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encore par le juge Boreman et dura du 13 au 20 septembre 1876. Cette fois, les autorités de l’Eglise avaient décidé d’abandonner le prisonnier à son sort, et les jurés mormons avaient reçu des instructions en conséquence.

Entrer dans le détail de ce second procès n’offrirait qu’un minime intérêt et exposerait à des redites inutiles. Il convient, toutefois, de citer la déposition de Samuel Mc Murdy, qui affirma avoir vu l’accusé tuer une femme de sa main, achever deux ou trois des blessés qui se trouvaient dans les chariots et ordonner la mort de deux jeunes filles, qui s’étaient échappées et que ramenaient des Indiens, envoyés à leur poursuite.

Reconnu coupable, John Doyle Lee fut condamné à la peine capitale et l’exécution fixée au 26 janvier 1877.

Les poursuites contre William H. Dame, Isaac G. Haight et les autres individus compris dans l’acte d’accusation furent abandonnées.

Lee interjeta appel, mais la Cour suprême ayant confirmé le jugement, usant des droits que lui conféraient les lois de l’Utah de choisir le genre de mort, il demanda à être fusillé.

L’exécution eut lieu à dix heures du matin, sur le théâtre même du crime.

Des voitures amenèrent le détachement armé, le prisonnier, le marshal des États-Unis, William Nelson, le District attorney, et quelques autres personnes. Descendu de voiture, Lee s’assit sur un cercueil grossier fait avec des planches de sapin, qu’on avait déposé au pied du tumulus élevé à la mémoire des victimes du massacre et, avec un calme extraordinaire, il attendit que tous les préparatifs fussent achevés. Alors le marshal, ayant lu l’ordre d’exécution, se tourna vers le condamné et lui demanda s’il n’avait rien à dire. Celui-ci se leva, jeta les yeux autour de lui et, sans que sa voix dénotât la moindre émotion, déclara qu’il n’avait pas grand’chose à ajouter à ce qu’il avait dit déjà : une victime était nécessaire, et c’était lui qui avait été désigné ; pendant trente ans, il s’était complu à satisfaire aux volontés de Brigham Young, et dans quelques instans, il allait recevoir sa récompense! Mais il ne craignait pas la mort et demandait seulement à Dieu de le recevoir dans sa miséricorde. — Puis il s’associa à la prière d’un pasteur méthodiste agenouillé près de lui, échangea une poignée de main avec chacun des assistans, se laissa bander les yeux et, s’asseyant sur le cercueil, face au peloton d’exécution, il demanda aux soldats de le viser au cœur. Quelques secondes après, une détonation se faisait entendre et John D. Lee s’affaissait foudroyé.

Dans un écrit précédant de peu de jours sa fin tragique, il