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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/897

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était un vrai poète ! Les Grecs n’auraient pas compris une semblable question, et nous avons l’espoir qu’un jour viendra où l’on cessera de la comprendre. Mais cet exemple nous fait voir comment Wagner a été amené à dire « qu’il s’agissait désormais d’une régénération complète de l’art, et que nos arts d’à présent n’étaient plus que l’ombre de l’art véritable. »

Cette régénération bienheureuse ne pourra avoir lieu que si nous revenons à la source de tout art, au drame, ressuscité avec le concours de tous les sens et l’emploi de tous les moyens d’expression. Et c’est de cet art régénéré que Wagner a pu dire que, « si nous l’avions, tous les autres arts trouveraient en lui leur justification. »


Mais le drame, à son tour, ne pourra réaliser ce haut idéal, il ne pourra devenir l’œuvre d’art suprême et universelle, et contenir à leur plus haut degré tous les autres arts, qu’à la condition expresse que son contenu soit purement humain. Il ne peut y avoir de drame parfait que le drame purement humain.

Le purement humain, c’est « ce qui exprime l’essence de l’humanité comme telle » ; c’est ce qui est affranchi de toute convention, de toute formule historique ou locale ; c’est ce d’où se trouve « exclu le particulier et l’accidentel ». Un drame historique, par exemple, ne saurait être un drame purement humain, et pas davantage une pièce dont le sujet reposerait sur telle ou telle conception conventionnelle de l’honneur. De même encore, « un sujet qui s’adresse exclusivement à l’intelligence », car le drame purement humain doit représenter l’homme tout entier, et admettre le sentiment en même temps que la pensée.

Cette théorie du purement humain, considéré comme la condition fondamentale du drame supérieur, est à mon avis la partie la plus importante de la doctrine artistique de Richard Wagner. Elle résume à elle seule l’essence entière du drame nouveau, de cet art dans lequel, suivant le mot de Wagner, « il y aura toujours à inventer du nouveau ». On a bien pu découvrir dans Aristote la trace d’une théorie analogue, et Wagner lui-même ne manque jamais de se rapporter à Eschyle et à Sophocle, « dont l’art purement humain est le plus magnifique héritage de l’histoire de la Grèce. » Mais c’était en tout cas une théorie complètement perdue, et Wagner aura eu le premier la gloire de nous la rendre si clairement exprimée.

Il est touchant, par exemple, d’entendre Schiller se plaindre, dans une lettre à Gœthe. de la nécessité où il est de s’en tenir au drame historique, et aspirer vers un « sujet purement passionnel et humain ». Il est curieux aussi de voir Gœthe protester