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bouche, car il importe d’éviter autant que possible le contact des doigts malpropres et des lèvres. Après le cari, plus ou moins violent, on mange le riz au lait, puis c’est le tour des gâteaux frits et des boissons sucrées. Ce déjeuner terminé, on mâche le bétel et la noix d’areck, on se parfume d’un peu de poudre de santal, et l’on s’en va faire la sieste. Les femmes prennent ensuite leur repas, et c’est enfin le tour des serviteurs.

Le lendemain on fait bouillir de nouveau du riz dans les pannelles neuves et l’on en offre aux vaches nourricières et aux bœufs vaillans qui, le matin, ont été baignés et lavés dans l’étang. Les cornes peintes en bleu ou en rouge, des guirlandes de fleurs et de feuillage sur leur cou puissant, et quelquefois un collier de verroterie, les doux et bienfaisans animaux sont conduits, en une procession lente, dans les rues du village, au son des instrumens.

Les parens et les amis se font des visites en commémoration de la cessation des pluies diluviennes envoyées par Indra mécontent, et des visites que se firent ceux qui avaient survécu à l’inondation et qui sortaient de leur maison, en s’enquérant du sort de leurs voisins. Et l’on se pose une question, toujours la même : « Le riz est-il bouilli ? » Cela revient à dire : « Je vous la souhaite bonne et heureuse ! » Les parias se déguisent en pèlerins et chantent des hymnes ; leurs filles dansent des rondes ; et les bayadères, suivies de leur orchestre, vont de maison en maison recevoir des étrennes. On porte, ce jour-là, des pagnes tout neufs, et c’est toute parée que la foule fait cortège à la divinité de la pagode que l’on conduit, dans un palanquin décoré à profusion de fleurs de jasmin, jusqu’aux ruines d’une antique pagode de granit, à peu de distance de Mangalam, sur une colline.

La vue était magnifique quand le cortège pieux passa sous le porche en ruine de l’antique pagode. Au loin, se déroulait la rivière entre deux berges de sable. En bas, s’étendait, comme un autre fleuve, la foule en fête, à la lueur des torches et des feux de Bengale, tandis que, dans l’or fondu du jour finissant, se montrait la lune très pâle. Au sommet, devant la divinité éblouissante de dorures et de pierreries, sous le jasmin odorant, les brahmes récitaient les Védas sacrés. Par endroits, des déclamateurs ambulans, des jongleurs et des acrobates, des mendians, se mêlaient à la procession pour la divertir.


III. — LES MUSULMANS DANS L’INDE. — HIS HIGHNESS THE MAHARAJAH OF MYSORE. — LE NIZAM D’HYDERABAD.

À côté des Hindous, dans l’Inde, il y a les musulmans. Ils vivent côte à côte, sans se confondre, ennemis plus par la religion