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et en font une offrande au Soleil et à Indra. Indra reçoit les actions de grâces des cultivateurs à qui il a donné de la pluie en la saison propice. Et c’est l’occasion pour T. Ramakrichna de rappeler la grande querelle de Krichna et d’Indra.

Krichna passa son enfance malicieuse au milieu des bouviers, comme on le sait. Il leur suggéra d’offrir un culte séparé aux vaches nourricières qui donnent le lait et le beurre, ainsi qu’aux montagnes où les bonnes bêtes s’en vont paître, et de délaisser le culte d’Indra. « Indra, dit-il aux pauvres gens, donne la pluie aux champs, mais nous n’avons pas besoin de tant d’eau. Nous vivons de nos troupeaux, et c’est à eux que nous devons faire une offrande de riz bouilli, à eux qui fournissent le fait, et aux montagnes qui leur fournissent l’herbe! » Les bouviers suivent ce conseil. Ils s’en vont célébrer les rites sur le mont Govartnagiri, et se prosternent devant les vaches tendres.

Indra s’irrite de ne plus recevoir les hommages de ceux qui gardent les troupeaux et déchaîne sur la terre les nuages chargés de pluie. C’est le déluge. Les bouviers consternés se tournent vers Krichna et le supplient de leur venir en aide. C’est alors que, du bout du doigt, l’avatar de Vichnou soulève le mont Govartnagiri et en fait comme un toit sous lequel les bouviers continuent de paître leurs troupeaux paisiblement, à l’abri de la pluie.

Moins heureux, les cultivateurs submergés implorent Indra et lui montrent les bouviers affranchis du culte du déva et protégés par Krichna. Indra arrête la pluie et fait amende honorable devant l’avatar de Vichnou qui, content d’avoir humilié le déva, décide que désormais Indra sera adoré le premier jour de l’année, et les troupeaux le second, et qu’ils auront leur part de riz bouilli. Pongol signifie bouillir.

Et voilà pourquoi, ce jour-là, à l’heure choisie par le vieux Ramanouja, les femmes de Mangalam, dans les pannelles neuves, bariolées de safran et d’ocre, mettaient du riz et un peu de lait. On veillait attentivement autour du feu, et lorsque le riz commençait à bouillir, les enfans s’écriaient joyeusement : « Pongol! Pongol ! » Dans chaque pannelle on prenait une poignée de riz et on l’offrait à Indra; on brisait des noix de coco, on brûlait du camphre, et l’on se prosternait.

Le repas vient ensuite, celui des hommes d’abord. Ils sont assis sur deux rangs, se faisant vis-à-vis, par terre, dans le koutam, la chambre la plus vaste. Le gendre occupe la place d’honneur, en sa qualité d’hôte. Sur les assiettes, des feuilles de bananier découpées, sont placés tous les ingrédiens avec le riz bouilli au milieu. Du bout des doigts on fait prestement une boulette de riz assaisonnée comme il faut et on la jette avec adresse dans la