qu’elle ajoute de nouveau à ce mouvement et à ces préoccupations, telle sera, croyons-nous, la double tâche de la critique historique. On en peut esquisser dès maintenant une ébauche sommaire.
Avant que Pasteur n’eût forcé l’attention du monde, et en dehors des cercles strictement scientifiques, un naturaliste éminent occupait l’opinion de tous ceux qui lisent et qui pensent en Europe. Plus heureux, plus complet ou plus patient que Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire, Charles Darwin avait attaché son nom à un ensemble d’idées très controversé, aujourd’hui connu de tous, — et défiguré par presque tous. Je devais rappeler ce nom au début de cette étude : nos successeurs, lorsqu’ils étudieront la pensée philosophique de notre temps et la contribution importante des sciences naturelles dans cette pensée, rapprocheront certainement les deux savans, les deux doctrines qui se complètent l’une l’autre et qui ont marqué des traces si profondes dans les esprits. — Je cours au-devant d’une objection qu’on ne manquera pas de soulever : Il n’y a pas de comparaison possible, dira-t-on, entre l’hypothèse invérifiable de Darwin et les découvertes rigoureusement prouvées de Pasteur. En effet, au point de vue de la valeur scientifique et de la crédibilité, il existe un abîme entre les deux. Mais j’étudie ici des influences, les empreintes laissées dans les intelligences par deux explications de la vie. Vraie ou fausse, on m’accordera que la thèse darwinienne a pénétré fort avant dans toutes les intelligences contemporaines, à commencer par les hommes qui se croient ou se disent les plus réfractaires au principe comme aux exagérations de cette thèse.
Je devais rappeler le nom de Darwin, parce qu’il a préparé les voies à Pasteur dans plus d’une direction ; et d’abord dans la partie la plus solide et la moins contestable de ses études, dans les recherches sur les fonds marins, sur les récifs de coraux et les îles du Pacifique. Il y fait entrer en scène les infiniment petits ; il montre leur pullulement dans certains parages de l’Océan, où l’eau n’est plus que de la gélatine vivante, leurs travaux gigantesques sur les continens qu’ils bâtissent ou exhaussent. Darwin nous a habitués à voir ces infimes artisans remplissant la nature et collaborant à ses plus grandes œuvres ; il a frayé la route où Pasteur devait faire le pas décisif, en conduisant les troupeaux des microzoaires jusque dans les tissus du corps humain. Les théories mêmes de l’évolution et de la sélection des plus aptes sont indispensables pour comprendre facilement les idées de