qu’offre la province à un écrivain qui l’aime, on n’a qu’à parcourir les articles que M. René Bazin publie dans le Journal des Débats sous ce titre : En province, et qui sont parmi les plus jolies choses que nous devions au journalisme littéraire d’aujourd’hui. Paysages, études de mœurs, souvenirs, rêveries, légendes, anecdotes, petits drames, des élémens très divers s’y mêlent de la façon la plus naturelle et la plus libre, donnant l’impression directe des choses vues : « Je reviendrai aux champs, aux bois et aux faubourgs. Je dirai quel visage a cette année le printemps qui s’éveille, à moins que je ne vous mène en Normandie, dans les herbages où les bonnes gens comptent déjà les bottes de foin, ou que je ne vous raconte comment mon ami le vieux Michel fut trouvé mort au pied d’un arbre qu’il élaguait, le dernier jour des grandes gelées. » Ces provinces de l’ouest de la France, Bretagne, Anjou, Vendée, les Landes et jusqu’au pays Basque, M. René Bazin les a explorées en toutes les saisons et à toutes les heures ; il en a aperçu tous les aspects : il ne se lasse pas de les noter et de les rendre. Voici de petites villes : Vitré, Fougères, Pontorson, Agde, Béziers, d’autres encore, dont on ne parle guère dans les livres et qui ne tiennent pas grand état parle monde. M. Bazin sait bien qu’il n’en est pas une qui n’ait sa physionomie pour qui sait voir, et son charme pour qui veut s’y prêter. Il regarde d’abord un peu à distance la silhouette qu’elles ont et comment elles se dessinent sur un fond de collines ou sur un horizon de plaines ; il entre, il se promène sur d’anciens remparts et sur des places toutes neuves ; il s’informe des gens qui vivent là et de la façon dont ils vivent ; il s’enquiert des industries locales et des efforts qu’il a fallu faire pour lutter avec la concurrence et suivre le progrès. Ce ne sont pas les sites les plus pittoresques qui tentent le pinceau de M. Bazin, et il ne réserve pas son enthousiasme pour les beautés classées. Je dirais presque qu’il ne choisit pas et qu’il suit avec la même curiosité tous les aspects, tous les accidens du terrain et tous les plis du sol. C’est que, comme il le remarque quelque part, la beauté se dégage lentement des choses. Il n’est que de regarder avec patience et avec amour. Cet amour pour les choses qu’il décrit, c’est ce qui donne aux tableaux que trace M. Bazin leur caractère ; il se traduit moins encore par l’émotion du style que par la minutie et par la précision des détails. Un amoureux sait tous les traits et toutes les expressions du visage qu’il aime. Et la silhouette des villes, la bigarrure des champs, la variété des productions, la teinte changeante du ciel, l’enveloppe de l’atmosphère, la qualité de la lumière et de l’air, tout cela c’est le visage de la France.
Le visage des pays change comme celui des personnes. Il y a dans les villes anciennes de très vieux quartiers. Des rues tortueuses y serpentent où l’herbe pousse entre les pavés disjoints et l’ombre tombe