qu’à séjourner parmi nous il n’aurait rien à gagner et qu’au contraire il y compromettrait son originalité et la saveur de son talent. Nous nous moquons volontiers de la vie de province. Nous nous moquons de tant de choses, faute de les comprendre et de savoir les goûter ! Il est probable en effet que la province a ses travers ; je remarque seulement que ceux qu’on a coutume de lui reprocher, nous devrions être les derniers à les invoquer contre elle. Il paraît que dans les petites villes chacun s’occupe un peu trop de ce que fait son voisin. Or c’est en cela que les petites villes sont pareilles à notre grande ville ; car ceux qui se plaignent des commérages de la province, c’est donc qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans un salon de Paris. Nous reprochons encore à l’esprit provincial son étroitesse. Mais est-il possible que nous nous abusions si fort sur ce qui est le caractère même de l’esprit parisien ? C’est ici que règnent les préjugés, que s’imposent les idées toutes faites, faites on ne sait trop comment mais on sait trop par qui, ici qu’hommes et choses sont appréciés à un point de vue tout à fait particulier, d’après une morale arbitraire et changeante qui n’a plus cours au de la des fortifications ou peut-être passé la Madeleine. Échapper à cette tyrannie c’est pour un écrivain qui vit en province le grand avantage. Dangereuse aussi la Ade qui est proprement celle de l’homme de lettres ! Il a trop près de lui l’image obsédante de la rivalité ; il entend de trop près le bruit de son succès, auquel insensiblement il est amené atout rapporter et à tout sacrifier, au point de se réduire au rôle d’amuseur. Il est la dupe de son métier. Hors de cette atmosphère spéciale et de ce milieu factice l’écrivain est mieux placé pour juger de toutes choses. Il est à l’abri de nos engouemens, il n’est ni dépendant de nos modes, ni prisonnier de l’opinion d’autrui. Il s’appartient. Il peut se rendre compte de ses goûts, suivre sa pente naturelle, protéger son rêve. La vie littéraire ne lui est pas un mirage qui l’empêche d’apercevoir la vie. Avant d’être un auteur il est un homme, ayant une maison qui est sa maison, une famille qui a des attaches dans un pays, qui tient au sol, et ne ressemble pas à ces smalahs improvisées que le hasard de la fortune ou du succès fait surgir un beau jour d’on ne sait quelles troubles origines. Cela est une garantie pour la dignité de l’œuvre comme pour celle de l’écrivain et une sauvegarde contre bien des extravagances. Et enfin cette vie de province, c’est celle que mène en France et hors de France le plus grand nombre des hommes ; en sorte qu’on ne voit pas pourquoi la littérature, limitant elle-même son horizon, ne consentirait à s’occuper que d’une exception qui pourrait bien n’être pas même une élite.
Je ne vais pas jusqu’à dire que pour être digne de tenir une plume il faille nécessairement être de Pézenas et que la vie n’ait d’intérêt que dans l’enceinte de Landerneau ; mais si l’on veut savoir les ressources