morts ? La question a son intérêt, et il ne nous paraît pas qu’elle ait encore reçu une solution qui ne laisse plus place au doute.
Il est une première conjecture qui se présente à l’esprit : c’est celle d’un emprunt fait à l’étranger ; cependant l’Egypte et la Phénicie n’ont jamais usé que de l’inhumation. Les Chaldéens, embarrassés de leurs cadavres, que se prêtait mal à recevoir le sol meuble de leurs plaines alluviales, ont commencé, semble-t-il, par les soumettre à une sorte de crémation imparfaite ; mais, devenus ensuite constructeurs et potiers plus habiles, ils paraissent avoir renoncé à cet expédient bien avant le temps où, par des intermédiaires, ils auraient pu exercer, à distance, quelque influence sur les Grecs. Dans les nécropoles de Moughéïr et de Warka, qui sont elles-mêmes très anciennes, des caveaux voûtés en brique ou de grands couvercles d’argile cuite renferment des squelettes, que l’on retrouve souvent intacts[1]. La tombe lycienne, cette fidèle copie de la demeure des vivans, suppose des hôtes qui y dorment allongés sur leur couche de pierre. Il en est de même des tumulus en maçonnerie des pentes méridionales du Sipyle, de la vallée de l’Hermos et de la Carie. Dans ces monumens phrygiens et lydiens, il y a des chambres, il y a des lits pourvus de leurs coussins ; on n’aurait pas pris ces dispositions si l’on n’avait eu à enfouir sous ces tertres qu’un vase contenant quelques pincées de cendres. Où donc chercher le peuple dont les exemples auraient suggéré aux Grecs l’abandon du rite antérieur et l’adoption d’un rite nouveau ?
Toutes les vraisemblances sont en faveur de l’autre hypothèse. C’est à la Grèce même et à son histoire que nous devons demander la raison de ce changement.
Cette raison, on a cru la trouver dans l’existence incertaine et agitée que l’invasion dorienne, après le XIe siècle, a faite, pour un temps, à toute une partie de la race grecque, aux tribus qui s’étaient vues forcées de quitter leurs demeures pour aller on chercher d’autres sur la rive opposée de la mer Egée et dans les îles. Ceux des leurs quelles perdaient au cours de ces migrations, elles ne pouvaient plus les déposer dans les caveaux de famille où reposaient leurs ancêtres. Les enterrer dans un canton que l’on quitterait demain, c’était condamner leur dépouille à demeurer toujours privée des hommages qui étaient la consolation du mort ;
- ↑ L’explorateur qui a relevé, en Chaldée, ces traces du rite de l’incinération croit pouvoir attribuer les nécropoles où il les a rencontrées à un temps qui est vraisemblablement plus ancien que les plus anciennes phases de la civilisation qui nous soient connues par ailleurs. Koldevey, Die altbabylonischen Græber in Surghul und El-Hihha. (Zeitschrift für Assyriologie, herausgegeben von Karl Bezold, t. II, p. 403-430.)