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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/230

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Publications de pièces des Archives prussiennes, entreprise considérable, qui s’est poursuivie depuis lors sans interruption. Il présidait en même temps la section historique de l’Académie des Sciences de Bavière et l’Institut historique de Rome, dont il avait été l’un des fondateurs. En qualité de membre de l’Académie des Sciences de Berlin, il dirigeait la publication des Acta Borussica, et de la Correspondance politique de Frédéric II. Et comme son Histoire de l’Europe pendant la période révolutionnaire touchait à sa fin, il avait formé le projet d’utiliser ensuite les innombrables documens qu’il avait sous la main pour écrire, à son tour, une grande Histoire de l’Allemagne.

Mais une fois de plus le politicien qui était en lui vint contrarier les projets du savant. Comme autrefois l’Histoire des Gètes et des Goths, l’Histoire d’Allemagne fut abandonnée pour un sujet plus actuel, plus capable de servir de prétexte à une démonstration politique. En 1881, Sybel sollicita et obtint de M. de Bismarck l’autorisation d’écrire, à l’aide des pièces des Archives prussiennes, cette Histoire de la fondation de l’Empire allemand par Guillaume Ier, qui fut le dernier de ses grands ouvrages et que sa mort a laissée inachevée. Le tome Ier parut en 1889 ; les tomes VI et VII, dans les derniers mois de l’année passée. Le tome VIII devait être employé au récit de la campagne de 1870, et Sybel en avait déjà, suivant son habitude, publié divers fragmens dans des revues spéciales.

Il ne m’appartient pas de porter de jugement sur ce livre, après les pages éloquentes et fines que M. Valbert lui a naguère consacrées ici[1]. Mais M. Bailleu lui-même est forcé d’avouer que l’Histoire de la fondation de l’Empire allemand n’a point la force ni l’originalité de l’Histoire de l’Europe pendant la période révolutionnaire : « De l’un à l’autre de ces deux grands ouvrages, dit-il, un nouveau changement s’est produit dans la manière d’Henri de Sybel. Les deux ouvrages ont été conçus pareillement dans un rapport immédiat avec les événemens contemporains : tous deux se rattachent à la lutte pour la solution de la grande question allemande, et en ce sens ils portent tous deux le même caractère essentiellement national et politique. Mais au moment où il écrivait son Histoire de la fondation de l’Empire allemand, ce n’est plus en combattant, mais en vainqueur, que Sybel se tenait sur le champ de bataille : aucun pressentiment de nouvelles luttes prochaines ne troublait la joie de son triomphe. Combien nous apparaît différent l’ouvrage de M. de Treitschke, dont toutes les pages retentissent encore de cris de guerre et du cliquetis des épées, comme si la lutte durait toujours pour l’unité allemande ! »

Énorme en effet est la différence de ces deux histoires, et il n’y a point de comparaison qui nous éclaire mieux sur le caractère véritable

  1. Voyez la Revue du 1er mars 1890.