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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/243

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croît de puissance et de lumière qu’elles trouvent dans leur rapprochement. L’auditoire a éclaté en applaudissemens unanimes. Que pouvait-on ajouter à cette belle solennité ? Une représentation des chefs-d’œuvre de notre théâtre, interprétés à la Comédie-Française par nos meilleurs artistes, s’est terminée par la lecture de beaux vers, pénétrans et harmonieux, de M. Sully Prudhomme. Ce poète de l’âme sait aussi parler aux foules assemblées par une grande idée. Enfin, l’Institut, par une belle journée d’automne, s’est transporté à Chantilly, et M. le duc d’Aumale, directeur de l’Académie française, l’a reçu dans ce château qu’il lui a si généreusement donné. N’est-ce pas, comme l’a dit M. Gaston Boissier, le plus beau legs qui ait jamais été fait ? Tout a une fin. Après quatre jours, la célébration du centenaire de l’Institut s’est terminée, mais le souvenir en restera. Les écrivains, les savans, les artistes les plus illustres s’y sont rencontrés, oubliant les frontières qui les séparent les uns des autres, pour habiter en commun les templa serena où ils servent tous le même idéal. Une telle fête fait moins de bruit et remue moins de matière qu’une Exposition universelle, mais elle est à tous égards plus rare, et peut-être est-elle aussi plus bienfaisante pour l’avenir de l’humanité.


Les affaires d’extrême-Orient ont pris depuis quelques jours meilleure tournure, et l’on peut enfin espérer que l’évacuation du Liao-Tung par le Japon se fera à une date prochaine. La France, la Russie et l’Allemagne en avaient obtenu la promesse, mais on sait qu’en fait d’évacuation une promesse peut rester longtemps sans se réaliser, et la première condition pour lui donner un commencement d’efficacité est d’attribuer à son exécution une date fixe. Les négociations entre les trois puissances occidentales et le Japon ont duré assez longtemps ; elles viennent enfin d’aboutir, au moment même ou au lendemain du jour où une révolution de palais s’est produite à Séoul, avec des circonstances restées obscures, qui ont causé en Europe une émotion mêlée d’inquiétude quand on a su que la reine avait été assassinée. La reine de Corée passait pour intelligente et résolue ; elle avait une grande influence sur son mari, d’un caractère plus faible que le sien. Le père du roi conspirait contre son fils, qu’il désirait remplacer. Comme il arrive toujours dans des pays plus ou moins livrés à l’anarchie, les deux partis cherchaient à l’étranger un concours et un appui, la reine du côté de la Chine, et le père du roi du côté du Japon. Cette situation connue devait inspirer des doutes au sujet des intrigues japonaises qui, très actives et, comme on le voit, peu scrupuleuses en Corée, ne faisaient pas pressentir dans le voisinage de ce pays des intentions conciliantes. Mais peut-être aussi le Japon eût-il voulu asseoir solidement et à tout prix sa prépondérance en Corée avant d’abandonner le Liao-Tung. Quoi qu’il en soit, il a pris vis-à-vis des