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trois puissances l’engagement de procéder à l’évacuation de la péninsule aussitôt après le paiement d’une indemnité de 30 millions de taëls qui viendra s’ajouter à celle que la Chine a déjà consentie. D’après les dispositions prises par celle-ci, et les facilités qui lui ont été données, le versement de l’indemnité aura lieu à la fin de janvier : c’est donc à ce moment, ou au plus tard au commencement de février, que l’évacuation aura lieu.

La Russie, l’Allemagne et la France, auxquelles l’Espagne est aussi venue se joindre, ont donc mené à bonne fin l’œuvre diplomatique qu’elles avaient entreprise, et confirmé le premier succès qu’elles avaient déjà obtenu. Il semble que toute l’Europe devrait accueillir avec satisfaction un fait de cette nature. L’Angleterre, toutefois, a montré plutôt de la mauvaise humeur, et quelques-uns de ses journaux, le Times en particulier, manifestent encore des appréhensions qu’il est difficile de partager. Le Times a lancé il y a quelques jours la nouvelle à sensation que-la Russie aurait fait avec la Chine un traité contre lequel il s’empressait de protester : elle aurait obtenu le droit de construire directement un chemin de fer à travers la Mandchourie, de Nertchinsk à Vladivostock, et d’y rattacher, à la hauteur de Tsitsikar, un embranchement qui viendrait aboutir à Port-Arthur. Là, elle aurait encore obtenu le droit d’ancrage pour sa flotte, sans parler d’autres avantages commerciaux d’autant plus menaçans qu’on ne les énumère pas, le tout sous la seule réserve que la Chine pourrait racheter les lignes ferrées au bout de vingt-cinq ans, à un prix à débattre ultérieurement. Nous souhaitons que la première partie de la nouvelle du Times soit exacte, et que la Russie puisse, en effet, pousser en droite ligne son chemin de fer transsibérien jusqu’à Vladivostock ; quant au reste, il mérite confirmation. La dépêche du Times n’a d’ailleurs pas tardé à être démentie, et le journal de la Cité se montre maintenant un peu plus rassuré, personne n’ayant consenti à partager ses craintes. Le seul fait certain est que le Liao-Tung sera évacué dans trois mois, et que notre diplomatie a utilement contribué à cette précieuse garantie du maintien de la paix en extrême-Orient.


Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.