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sur le même continent. Nous détiendrions 2 783 950 milles carrés de territoire en Afrique, alors que la Grande-Bretagne ne possède dans cette partie du monde que 2 462 436 milles carrés. Il est vrai que ces surfaces, possédées par les deux nations, sont d’une valeur bien dissemblable ; sur l’énorme empire africain qui nous appartient et qui, en mesures françaises, s’étend sur environ sept millions de kilomètres carrés, treize fois l’étendue de la France, le Sahara à lui seul entre pour plus du tiers, et non seulement il est et restera sans doute éternellement, pour la plus grande partie du moins, presque stérile, mais, en outre, nous ne le possédons que de nom, et il nous reste à y établir notre domination. En ajoutant à ces chiffres nos possessions dans les autres contrées du monde, les coloniaux consciencieux qui ne laissent pas échapper une parcelle de nos droits supputent à 8 350 000 kilomètres carrés[1], soit seize fois environ la superficie de la France, l’étendue de notre empire colonial. Quant à sa population actuelle, elle ne monterait qu’à trente-cinq millions d’âmes, restant ainsi un peu inférieure à celle de la mère patrie.

En déduisant pour les déserts, les savanes, les sols voués à une improductivité prolongée, sinon absolue, la moitié de cette immensité, il nous resterait encore, comme susceptible de mise en valeur prochaine, un domaine colonial égal à huit fois l’étendue de la France. Il est clair qu’il faudra bien des générations pour accomplir cette œuvre ; on ne peut aujourd’hui que l’ébaucher dans son ensemble et l’avancer sur quelques points. Si deux siècles trois quarts environ se sont écoulés depuis l’apparition des Anglais en Extrême-Orient jusqu’à l’heure présente où l’Empire indien est arrivé à une ‘puissance de production qui est loin d’avoir atteint encore les limites qu’on peut lui assigner, il faudra un temps au moins aussi long pour la mise complète en œuvre du domaine colonial français contemporain.

Ce domaine, nous ne croyons pas que ce fut une faute de le former. Nous pensons seulement que, à l’heure présente, il est constitué dans ses grandes lignes et que nous n’avons plus à l’étendre ; il suffit de le consolider et de le rendre compact en réunissant les divers morceaux de notre Afrique Nord-Occidentale, en joignant le Congo au Sahara, le Dahomey au Niger. C’est une tâche plutôt d’explorations et de négociations avec les puissances voisines, l’Angleterre et l’Allemagne, que de campagnes militaires. Il reste, toutefois, un adversaire dont il faut à tout prix se

  1. Rapport fait au nom de la Commission chargée d’examiner le projet de loi concernant la création de compagnies de colonisation, par André Lavertujon, sénateur, pages 27 à 30.