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nemi des exagérations, doué d’une imperturbable santé physique et intellectuelle, libéral comme il convient, sans que jamais on ait à craindre que son libéralisme prenne des allures révolutionnaires, soucieux des bonnes mœurs, des progrès de la science et du bonheur de l’humanité sans vouloir pourtant procéder par aucune mesure violente qui trouble sa quiétude, chauvin et anticlérical à la manière de Béranger, fort honnête homme en définitive, on pourrait exactement lui appliquer les qualificatifs dont il use envers M. Poirier : il est « modeste et nourrissant » ; mais il n’est rien de plus. Et, par là, il échappe à toute espèce de discussion.

Quand on aura blâmé chez lui une certaine sécheresse égoïste de parvenu satisfait, beaucoup d’incomplexité d’esprit et une absence rare de sens artistique, on aura épuisé la somme des reproches à lui adresser ; et, en vérité, ces reproches ne sont point écrasans. On n’y insisterait même pas, si de malencontreux admirateurs n’avaient essayé de placer au rang des maîtres ce bon écrivain de deuxième ou de troisième ordre. On cherche alors quelque chose en son Couvre, et l’on arrive vite à cette conclusion qu’elle ne résiste pas à l’analyse. À la scène, et avec l’interprétation de comédiens habiles, son inanité se dissimule sous des apparences plus ou moins spécieuses ; à la lecture, le vide en semble insondable ; et dans des conditions pareilles, ses prétentions au sérieux ne servent qu’à y mettre une nuance de ridicule. Émile Augier avait une fois fait dire à l’un de ses héros cette phrase étonnante : « Les grands mots représentent les grands sentimens. » Il était très sincère sans doute ; conformément à cet axiome, il composa de grandes pièces, pleines de grandes intentions ; il n’y manque, par malheur, que les grands sentimens, les grandes idées et les grandes peintures de caractères.

Maurice Spronck.