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POESIE


A SAINTE MADELEINE


O blonde Madeleine, heureuse fiancée,
Qui tenez en vos mains le bouquet toujours vert,
Pensez-vous à ce monde où votre âme blessée,
Tourterelle légère et tendre, a tant souffert ?

Du haut du paradis qu’embaume votre grâce,
Parmi les harpes d’or des séraphins charmés,
Avez-vous un regard pour la honte qui passe ?
Entendez-vous encor le cri des opprimés ?

Avez-vous oublié la foule méprisante,
Les cœurs toujours fermés, la bouche qui maudit ?
Vous souvient-il encor de l’heure agonisante
Où vous avez prié sans qu’on vous répondît ?

Ah ! Notre pauvre terre ! Elle est bien toujours telle
Que vous l’avez quittée au jour du grand pardon.
Si l’homme doit mourir, la haine est immortelle.
C’est la même misère et le même abandon.

Regardez-les plutôt, ces sages au front blême.
Les voilà bien, tous ceux qu’effaraient vos seins nus.
Mêmes gestes, mêmes hoquets, même anathème.
Ces maîtres sans pitié, vous les avez connus.