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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/533

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dans le papier sans nuire à son aspect. Elle tend maintenant à disparaître, remplacée par la « pâte de bois mécanique » dont l’usage, sans être plus onéreux, procure des résultats meilleurs.


III

La recherche de matières capables de remplacer le chiffon — en langage technique de « succédanés », — ne lut couronnée de succès qu’en 1851 lors de la découverte de la pâte de paille. Il avait été imprimé, d’abord en Allemagne (1765), puis en France (1787) deux livres sur des papiers de jonc, d’écorce d’arbre, de houblon, de mousse. L’ortie et la feuille de chou entrèrent dans ces spécimens, qui constituèrent seulement des essais curieux sans application possible. En 1834 un industriel exposait un papier fait avec l’algue marine des Martigues ; on tenta vers 1849 d’utiliser le bananier et le palmier nain d’Algérie. Les Didot se servent à la même époque, dans le Vaucluse, de bois de saule haché.

Depuis 1801 on employait la paille, mais sans pouvoir détruire son principe colorant. Elle restait confinée dans les sortes grossières, vouée aux sacs et à remballage, comme elle l’est encore dans les usines du Limousin et de l’Isère, qui fournissent chaque année au reste de la France de quoi envelopper ses paquets, — environ 65 millions de kilos de papier. — Mais ce chiffre imposant, qui forme en quantité près du cinquième de notre fabrication nationale, ne représente qu’une valeur minime ; si minime, paraît-il, que, malgré le bon marché de la paille dans ces régions, les papetiers y travaillent souvent à perte. Ils ont été obligés l’an dernier de se mettre en grève, d’arrêter de concert pendant un mois la marche de leurs machines, pour faire remonter leurs produits à un taux plus rémunérateur. La paille fut tirée de l’humble fonction qui jusque-là avait été la sienne, lorsque l’on apprit il y a quarante ans à la blanchir. Elle devint ainsi, au commencement du second Empire, sous forme de papier à journal, associée au mouvement d’esprit contemporain. Seigle, blé ou avoine sont également propres à être transmués en pâte chimique ; on les marie souvent sous la meule et dans les lessiveurs où la paille, déjà peignée puis hachée, est soumise à l’action de la soude en ébullition. Elle demeure très brune encore, et reste colorée même après d’énergiques lavages. Pour arriver au blanc, elle doit subir un traitement par le chlore, analogue à celui du chiffon, mais à une dose dix fois plus forte.

Presque au moment même où le chaume, expulsé de la literie par l’apparition des sommiers élastiques, inquiété sur les toits ruraux par les progrès de la tuile et de l’ardoise, se réfugiait ainsi dans