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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/532

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ronde, hermétiquement close, où il macère dans un bain de soude et de chaux, bercé par un mouvement de rotation lente, échauffé par une projection continue de vapeur. Après une journée de ce traitement il est « cuit », débarrassé de tout élément graisseux et colorant, assez attendri pour être facilement transformé en pâte. Ce qui se fait ainsi en quelques heures demandait jadis des mois ; le chiffon humide devait attendre, dans une cave ou « pourrissoir », que la fermentation naturelle eût déglutiné ses tissus ; on le réduisait alors en bouillie dans de grands mortiers, à l’aide de maillets ou pilons, et cette bouillie était exposée au soleil pour être blanchie par l’oxygénation atmosphérique, opération aussi lente qu’incertaine dans nos climats. De ces procédés archaïques il ne subsiste qu’un souvenir, un nom, celui de « piles », que portent les bacs ou baignoires de forme oblongue, dans lesquelles tourne le cylindre effîlocheur qui a remplacé les anciens pilons. Celui-ci, par sa giration rapide, opère le défilage de cette matière diluée, qui cesse déjà d’être linge, qui semble loin encore d’être papier, et que M. Vachon, dans un ouvrage pittoresque, appelle un « pantagruélique sorbet granité ». La pâte, propre désormais, demeure assez terne, surtout si elle ne provient pas de chiffons blancs de première qualité. Envoyée dans d’autres bacs ou « piles blanchisseuses », qui remplissent le rôle réservé naguère au soleil, elle y sera lavée par une dissolution de chlore et d’acide sulfurique, et en sortira sous l’aspect d’un ruisseau de neige à demi fondue pour aller se reposer dans les caisses d’égouttage.

Le chiffon fut, jusqu’à notre siècle, la seule substance qui entra dans la composition du papier. Une vingtaine de produits chimiques y participent aujourd’hui et leur emploi constitue des secrets… d’ailleurs percés à jour. Vers 1819, époque où l’industrie papetière était florissante et où la consommation s’était sensiblement accrue, la hausse des chiffons amena les fabricans à introduire les matières minérales dans leurs pâtes. Le désir du bon marché, combiné avec le besoin de bénéfices, entraîna un certain nombre d’usines à l’abus. L’excès de ces additions étrangères, que l’on nomme la charge, rendit les papiers défectueux. Avant même que le savant chimiste, J. B. Dumas, l’eût officiellement critiquée comme rapporteur de l’exposition de 1834, les inconvéniens de cette pratique s’étaient fait sentir par le préjudice causé à notre exportation. Cette charge est le plus souvent du kaolin, de la pâte à porcelaine extrêmement divisée. Employée avec sagacité, elle permet de réduire le prix de revient, parce qu’elle coûte en moyenne quatre ou cinq fois moins que le chiffon ; les Belges avaient notamment un art tout particulier pour la faire passer