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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/543

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de papier à journal représentent près de 280 kilos de charbon de terre et seulement 220 kilos de sapin et de produits chimiques de toute nature.

Le plus important de ces produits est la colle. Elle se prépare dans une chaudière couverte, où l’on fait fondre soit de la colophane d’Amérique, soit de la résine de Bayonne, avec du carbonate de soude. Le savon que l’on obtient ainsi, semblable à une crème au café, est filtré puis additionné d’alun. Il forme alors un précipité qui, se mêlant intimement aux fibres de la pâte, a pour effet de rendre le papier à peu près imperméable à l’encre. On ajoute en général de la fécule, destinée à former empois et à retenir plus facilement dans le papier le kaolin ou « le blanc fixe », qu’on y met pour corriger la transparence des qualités moyennes, d’une épaisseur insuffisante. Ces diverses substances, connues sous le nom de « charge » et dont il a été question plus haut, avaient aussi pour but naguère d’économiser un poids égal de chiffons qui coûtaient davantage.

Il demeure admis du reste, par le code de l’industrie papetière, « qu’à moins de conventions spéciales et expresses dans la commande, le fabricant est absolument libre de composer et de charger sa pâte comme il l’entend. » Le consommateur se préoccupe peu de savoir ce que contient un papier qui satisfait à ses exigences, dont la première, pour les emplois communs, consiste à payer le moins cher possible. C’est pourquoi la pâte de bois a tout envahi. Les Norvégiens, qui en fournissent les élémens, prétendent que sa qualité est aussi bonne que celle de n’importe quelle autre fibre végétale : « Le bois, dit Bjonness, n’est autre chose que du chiffon vierge. » Les détracteurs du papier de bois se plaignent au contraire qu’il soit raide au toucher et manque de souplesse, ce qui le rend sujet à craquer et à se rompre, qu’il contienne des taches noires ou brunes, disséminées à la surface, et aussi bon nombre de « bûches », — fibres en paquets mal désagrégées. — Les imprimeurs affirment qu’il n’est pas « amoureux », c’est-à-dire que l’encre, mal retenue par lui, ne sèche pas assez rapidement Personne n’est trompé cependant, puisque les gens du métier savent reconnaître la « pâte mécanique » à la seule inspection du papier et disposent, s’ils conservent quelque doute, de réactifs à peu près infaillibles pour en déceler la présence. Seulement l’introduction de cette pâte dans le dosage est précisément le seul moyen d’abaisser la valeur marchande au niveau souhaité par l’acheteur.

C’est une erreur assez répandue de croire qu’il ne se fabrique guère de beaux papiers ; il s’en fait autant et plus qu’il y a cent ans, mais il se fait en outre, par les procédés nouveaux, une