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directeurs demeurant en moyenne pendant huit mois en fonctions ?

Tels sont, au milieu des ahus qui éclatent à tous les yeux, les maux les plus graves, tels sont les premiers remèdes.

Les progrès que nous venons de résumer suffiraient à faire l’honneur de la génération qui les accomplirait. Après les avoir énumérés, on demeure en vérité stupéfait de constater que sur presque toutes les questions l’accord est fait entre ceux qui pensent. Réunissez, en 1895, cinq à six personnes éclairées ; interrogez-les sur nos codes, sur nos lois organiques, sur les besoins actuels, sur les problèmes qui nous entourent. A peu de nuances près, les solutions seront les mêmes. C’est là un phénomène d’une portée considérable. Si, en effet, dans un pays que divise le souvenir de tant de querelles, les intelligences se rencontrent pour porter le même jugement sur une série de réformes, il est certain que ces réformes si fortement souhaitées ne tarderont pas à prévaloir. Quand on constate cet accord sur le but à atteindre, comment désespérer de la formation d’un parti également résolu à combattre les chimères du socialisme et à introduire dans les lois, avec un esprit autrement politique que les faiseurs de promesses ridicules, ce qui est le but et l’essence de toute civilisation : un peu plus d’ordre et de justice ?


VI. — PROGRAMME DACTION : LES HOMMES

Pour faire un parti, il faut des idées et des hommes. Nous venons de voir comment, sans s’en douter, les adversaires du socialisme sont d’accord, non sur un programme négatif, mais sur un ensemble de réformes positives dont il suffisait d’énoncer les élémens. Les bonnes volontés ne leur manquent pas davantage.

De tout temps les découragés ont répété qu’il n’y avait pas d’hommes ; mesurant les autres à leur taille, ils ne voient autour d’eux que lâcheté et dégoût. Qu’ils apprennent à mieux regarder, et ils découvriront tout ce qui, en France, produit des forces vives sans réclames, tout ce qui agit sans parler. Nous avons autour de nous des trésors inconnus, des réserves de fécondité qui feraient la fortune d’un peuple.

Ne faisons pas ici le recensement de la charité pure : elle demeure un secret entre celui qui donne et celui qui reçoit. Parlons des efforts accomplis par l’homme en vue de contribuer à l’amélioration du sort de son semblable. La vie en commun comporte un échange incessant de services. Le cultivateur récolte le blé, le boulanger fait cuire le pain, le maçon construit une maison, le tailleur confectionne un habit ; l’homme aisé paye tout ce travail qui sert à le vêtir, à le loger et à le nourrir. Mais le salaire donné,