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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/622

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rendre au travailleur de tels hommes. Si chacun d’eux agissait de la sorte, il n’y aurait pas de socialistes. Pour faire un parti de résistance aux passions révolutionnaires, il faut avant tout multiplier dans toute la France cette race d’hommes actifs, dévoués, pensant à autrui, suscitant des œuvres de désintéressement et ne permettant pas aux radicaux de dire, ce qui est leur grand argument, qu’ils combattent une classe d’êtres au cœur sec, de riches vivant dans le luxe, le plaisir et l’égoïsme.

« Nous voilà loin, me dira-t-on, de la politique. Vous voulez réformer les mœurs. » Assurément il faut refaire nos mœurs pour faire de bonne politique. Tenter de constituer un parti conservateur sans que ses membres ressentent une préoccupation profonde des souffrances d’autrui, c’est une entreprise aussi vaine qu’inutile. Que d’autres consument leurs efforts à créer entre les fortunes menacées un syndicat de défense, ce n’est pas cela dont nous nous soucions. La tâche est bien plus haute : il s’agit de répandre ces sentimens de solidarité, d’intérêt et de sympathie mutuels sans lesquels aucune société ne peut vivre, encore moins une démocratie que toute autre, et dont la plus haute expression est contenue dans le précepte divin : « Aimez-vous les uns les autres. »

Dans ces activités dépensant leur vie au service d’autrui, quoi de plus aisé que de trouver les cadres du parti conservateur ?

Mais, encore une fois, il faut qu’entre le socialiste radical, qui promet tout et le conservateur qui promettra un peu, il y ait un contraste qui éclate à tous les yeux. L’un apporte des engagemens qui contiennent autant de déceptions, des phrases éternellement démenties ; l’autre doit montrer des résultats tangibles, des œuvres précises, des fondations fécondes qui répondent pour lui. L’un multiplie les paroles, l’autre rend des services.


VII. — MOYENS DE PROPAGANDE

Un parti, quand il est constitué, ne manifeste son action, ne répand ses idées que de deux manières : il écrit et il parle ; mais combien peuvent varier les formes des publications et les conditions dans lesquelles agit la parole ! De la presse, nous ne dirons qu’un mot : c’est la forme la plus efficace de la propagande, mais en même temps c’est la plus coûteuse, celle qui demande le plus d’efforts et les sacrifices les plus lourds. Là où elle peut être employée, il n’y a pas à hésiter à s’en servir. Le journal local à 5 centimes, trois fois par semaine ou hebdomadaire, groupe tout naturellement autour de lui une clientèle, la tient en haleine, éveille ses sympathies, crée des liens et prépare l’action.