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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/813

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deux adorables cantilènes de Chérubin dans les Noces de Figaro de Mozart : Je ne sais quelle ardeur me pénètre et Mon cœur soupire. Détachons-les momentanément du sentiment qu’elles expriment et du délicieux orchestre qui les accompagne. N’est-il pas évident qu’elles sont par elles-mêmes ? Ne contiennent-elles pas tout ce qui constitue le sens et la précision d’une idée le contour net, le rythme caractéristique et constant, et même l’harmonie impliquée dans la mélodie ? »


Les idées, ainsi entendues, étaient presque toute la musique d’autrefois ; elles ne sont presque plus rien dans la musique d’aujourd’hui. Mozart en effet ne connut jamais un autre mode de pensée, et Gounod, qui invoquait toujours Mozart, lui ressemblait à cet égard. C’est de la phrase de Mozart que procède une phrase comme le Felix culpa. Elle a trente mesures, dont pas une seule n’est inutile, encore moins étrangère aux autres. Rien ne l’arrête et rien ne l’égare. Elle ne se hâte pas plus qu’elle ne se lasse, sûre de trouver tout le long de son heureux chemin des haltes ménagées et comme des repos délicieux. Continue et cependant partagée, elle est un parfait exemplaire de l’ordre et de l’harmonie, non pas dans la combinaison, car elle est simple, mais dans la succession et le développement. Jamais enfin la cadence chère à Gounod ne fut plus qu’ici douce et comme amortie avec amour. Devant une telle page on ne songe plus à se demander si l’œuvre qui la renferme a tenu toutes les promesses d’un titre peut-être trop ambitieux. On se dit que dans Mors et Vita le sentiment a plus d’une fois prévalu sur l’idée, et que c’est une faute peut-être, mais comme celle que Gounod chanta si tendrement, une faute heureuse.

Tu fis ton Dieu mortel et tu l’en aimas mieux.


Ce vers pourrait servir d’épigraphe à Rédemption. Il en exprimerait bien le charme pénétrant, la beauté touchante et cette douceur enfin plus que jamais passionnée et pieusement amoureuse, qui semble un hommage à l’humanité plus encore qu’à la divinité du Christ. Nous parlions tout à l’heure de la liturgie de Gounod, et nous disions qu’on y trouverait également des récits et des prières. Après le Crucifiement de Polyeucte, voici une Résurrection ; non pas le miracle même, l’élan sublime hors de la mort, mais les scènes qui suivent, plus intimes et partant plus favorables au génie du maître : les saintes Marie au sépulcre, et l’apparition de Jésus au milieu d’elles. De lourdes critiques ont pesé sur ces pages exquises. Aux visiteuses sacrées, on a reproché de trop aimables empressemens. Elles