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Seigneur, à vos fidèles enseignent votre loi. Dans l’œuvre du musicien, je ne sais pas un plus magnifique mouvement, un plus beau cri d’amour divin. Jamais la mélodie de Gounod, cette mélodie ascendante et circulaire, n’est montée plus haut en élargissant davantage le cercle de son vol.

Le dogme de la Rédemption fut toujours le dogme favori de Gounod. Voici ce qu’il en écrivait un jour


« Le premier principe simple, lumineux, fécond, inépuisable, et d’où découle tout entière et sans solution l’admirable et invulnérable économie de la doctrine catholique, c’est le dogme de la chute originelle appelant le dogme de la rédemption. Hors de là le problème religieux reste sans solution ; il n’y a plus qu’un effroyable chaos au-dessus duquel se balancent comme deux fantômes désespérans la misère de l’homme et la cruauté de Dieu. Avec le dogme de la chute originelle et celui de la rédemption, tout reprend sa place, tout s’explique, tout s’enchaîne dans un ordre si calme, si lumineux, si satisfaisant, que le mystère lui-même semble disparaître devant le ravissement de l’esprit et du cœur, tant la conscience et la misère de l’homme y sont apaisées par cette ineffable conciliation Ide la justice et de la bonté divines. »


À cet exposé, ou mieux à ce résumé par les mots correspond un résumé par les notes : c’est le prologue même de l’oratorio, sorte de sommaire anticipé, dont l’œuvre entière n’est que la paraphrase en récits et en prières. Cette page est pour ainsi dire la plus dogmatique et la plus doctrinale de Gounod. Et la doctrine et le dogme même y furent par lui dans cette page tout animés et comme échauffés de tendresse. La mélodie typique du Christ, apparue pour la première fois, est plus affectueuse encore et plus intime surtout que la mélodie de Judex dans Mors et Vita. Le petit choral : La terre est mon partage, est délicieux de bienveillance et d’aménité divine ; le trait de violons qui le couronne et les derniers mots du Sauveur s’offrant lui-même O mon père, je viens.. . ont une suavité sans pareille. Ainsi la page littéraire et la page musicale se ressemblent, et Gounod dit les mêmes choses en l’un et l’autre langage. Si nous avons gardé pour la fin l’analyse de cette courte préface, c’est qu’elle équivaut non seulement à un épilogue, mais à une conclusion ; c’est que nous y avons cru trouver une dernière et totale révélation de l’âme ardente et du beau génie où toute pensée devenait passion, où tout acte de foi s’achevait en acte d’amour.


VI

Tel que nous le connaissons maintenant, où convient-il de le placer ? — Dans la région des idées claires et des sentimens tendres.