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LE PRINCE LOUIS-NAPOLEON

I
AVANT LA REVOLUTION DE 1848


Ceux qui prennent en main le gouvernement des affaires publiques ne sont pas sujets à rendre compte et raison seulement de te qu’ils disent et de ce qu’ils font en public, mais l’on recherche curieusement tout ce qu’ils sont en leur privé.
PLUTARQUE.


I

Quand Priam s’est assis devant cet Achille dont les mains terribles, dont les mains meurtrières avaient versé le sang d’Hector et de la plupart de ses enfans, il commence à le considérer : il est étonné de le voir si beau, si grand, si plein de majesté. Achille, de son côté, quoique le cœur encore plein du désespoir de son Patrocle perdu, n’est pas moins frappé de la haute mine et de l’air de grandeur qui éclatent sur toute la personne de Priam et de la sagesse de ses propos. Les hommes de véritable vaillance jugent de même ceux contre lesquels ils ont le plus âprement combattu, auxquels ils ont donné et desquels ils ont reçu des blessures. Qu’ils réussissent ou non à les vaincre, ils ne les outragent pas, et même dans l’emportement de la mêlée ils ne méconnaissent ni leur majesté, ni leur grandeur, ni leur sagesse.