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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/854

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Il se fit même journaliste. Dans les journaux républicains — le Progrès du Pas-de-Calais, le Guetteur de Saint-Quentin — rédigés par deux républicains de mérite et de probité, Frédéric Degeorges et Calixte Souplet, il défendit, à l’abri de l’anonyme, ses idées na poléoniennes, notamment celles sur la nécessité d’introduire le système militaire prussien[1], et poursuivit contre Louis-Philippe une campagne souvent excessive et parfois tout à fait injuste. Cependant, à la nouvelle de la mort du duc d’Orléans, il oublie ses passions de prisonnier pour ne « penser qu’au fils enlevé d’une façon si tragique à la tendresse d’une mère et au deuil d’une famille française. » Le gouvernement ne tracassa aucun des deux journaux, mais fit officieusement savoir par le parquet que, si la collaboration suspecte continuait, le brevet des imprimeurs serait retiré. Le prisonnier se retrancha alors dans les livres et les brochures.

La principale préoccupation de ses divers écrits est d’attirer à lui les républicains. Il s’adresse surtout à eux. « Je n’ai jamais cru, je ne croirai jamais que la France soit l’apanage d’un homme ou d’une famille ; je n’ai jamais revendiqué d’autres droits que ceux de citoyen français, et je n’aurai jamais d’autre désir que celui de voir le peuple entier réuni dans ses comices choisir, en toute liberté, la forme de gouvernement qui lui convient ![2] Même pour défendre Napoléon et son œuvre il continue à se placer dans les données républicaines et révolutionnaires : « Je ne défends pas le principe de la révolution du dix-huit brumaire, ni la manière brutale dont elle s’est opérée ; une insurrection contre un pouvoir établi peut être une nécessité, jamais un exemple qu’on puisse convertir en principe. Le dix-huit brumaire fut une violation flagrante de la constitution de l’an VIII, mais cette constitution avait été déjà trois fois audacieusement enfreinte ; ce qui importe c’est de savoir si le dix-huit brumaire a été bienfaisant : or il est constant que le Consulat a sauvé l’avenir de la Révolution d’une ruine complète. » Il ne défend pas toutes les institutions de l’Empire et tous les actes de l’Empereur ; il regrette « la création d’une noblesse qui, dès le lendemain de la chute de son chef, a oublié son origine plébéienne pour faire cause commune avec ses oppresseurs. » Il regrette « certains actes de violence » inutiles au maintien du pouvoir fondé par la volonté du peuple. Mais si comme citoyen il fait une grande distinction entre le Consulat et l’Empire, comme philosophe il n’en fait aucune : « Consul ou empereur, la mission de Napoléon fut toujours la même. Consul, il établit en France

  1. Articles du Progrès du Pas-de-Calais.
  2. Lettre au Journal du Loiret.