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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/855

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les principaux bienfaits de la Révolution, Empereur, il répandit dans l’Europe ces mêmes bienfaits. Sa mission, d’abord purement française, devint humanitaire[1]. »

La brochure sur l’Extinction du paupérisme proposait de pauvres remèdes, mais dans la manière de poser le problème, il allait aussi loin que le socialiste le plus décidé : « Aujourd’hui le but de tout, gouvernement habile doit être de tendre, par des efforts, à ce qu’on puisse dire bientôt : le triomphe du christianisme a détruit l’esclavage. Le triomphe de la Révolution française a détruit le servage ; le triomphe des idées démocratiques a détruit le paupérisme.»[2]

Il appuyait ses écrits par des démarches personnelles ; il envoyait ses livres aux hommes marquans du parti républicain, soit directement, soit par l’intermédiaire de la fille de la camériste de la reine Hortense, Mlle Lacroix, femme du peintre Cornu, républicaine très prononcée, amie de Godefroy Cavaignac. Il pria Louis Blanc de venir le voir ; il entra en relations avec Carnot et George Sand, rechercha Quinet et Michelet.

Dans le peuple, alors indifférent aux luttes politiques et adonné aux utopies sociales, son livre sur l’Extinction du paupérisme, si ce n’est par ses moyens, du moins par son titre, produisit une profonde sensation et lui concilia de vives sympathies. D’autre part quelques républicains formalistes, tels que Degeorges, Péauger, hommes respectables, uniquement mus par des préoccupations patriotiques, sans aucune espèce d’arrière-pensée ambitieuse, crurent que le parti républicain disloqué, imperceptible, dénué de force, tirerait profit à se mettre à l’ombre du grand nom dont ils sentaient la puissance de plus en plus vivante sur les masses. La France répugnant encore à s’abandonner aux chances d’une expérience purement républicaine, une transaction sur la tête d’un Bonaparte leur paraissait politique. Personne ne réunissait autant que l’écrivain de Ham les conditions voulues par les exigences de l’époque. Ils espéraient, en outre, par l’avènement d’un Napoléon, soustraire la France à l’exploitation de l’Angleterre, et obtenir l’alliance de la Russie qui avait témoigné des sympathies aux Napoléons.

Toutefois les républicains qui eurent la sagesse de cette alliance furent peu nombreux. George Sand ne le laissa pas ignorer au prince : « Sachez-nous quelque gré de nous défendre des séductions que votre caractère, votre intelligence et votre

  1. Réplique à Lamartine, de Ham, 23 août 1840.
  2. Lettres du fort de Ham, publiées par la Nouvelle Revue des 1er et 15 août 1894. — Péauger au prince Louis-Napoléon, 17 février 1844, 24 mai.