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bénéfices, et on a porté de la moitié aux deux tiers, la fraction attribuée à l’Etat dans les recettes nettes qui excéderaient la somme nécessaire pour fournir ce dividende. C’était un des points auxquels on attachait alors le plus d’importance, car d’après l’énormité des plus-values récentes, on considérait, pour la plupart des compagnies, le partage des bénéfices comme infiniment plus probable que le recours à la garantie. Partisans et adversaires des conventions parlaient de ce partage comme d’une éventualité très prochaine.

C’est ce qui explique le malentendu retentissant auquel a donné lieu la question de durée de la garantie. Cette question, au moment où les conventions ont été faites, paraissait absolument secondaire. D’après les conventions de 1859, la garantie devait expirer en 1914, tandis que les concessions prennent fin de 1950 à 1960. Pour deux compagnies, l’Ouest, qui n’était pas encore arrivée à la période de remboursement, et l’Est, qui se chargeait de beaucoup de lignes stratégiques peu productives, les conventions prorogèrent la durée de la garantie de 21 ans, sans que ni le gouvernement ni le Parlement parussent attacher à cette clause une réelle importance[1]. On sait comment, pour l’Orléans et le Midi, la question de savoir si l’ancien terme de 1914 subsiste, ou si les conventions l’ont aboli et ont prolongé la garantie jusqu’à la fin de la concession, a fait naître un litige sur lequel le Conseil d’Etat a statué le 12 janvier 1895. Qu’une question de cette gravité ait pu être si mal réglée paraît un fait prodigieux, quand on oublie l’optimisme universel qui régnait en 1883.


C’est aussi cet optimisme qui explique la dernière clause dont nous ayons à parler spécialement, celle qui a trait aux comptes d’exploitation partielle. Cette clause constituait, non pas une innovation, mais une extension tout à fait excessive de dispositions en usage depuis longtemps.

De tout temps, les compagnies, quand elles construisent une ligne, portent dans le compte d’établissement les intérêts servis au capital pendant la période de construction ; il faut bien en effet, prélever sur les emprunts eux-mêmes de quoi servir l’intérêt dû aux premiers prêteurs, jusqu’au jour où l’exploitation commencera à donner des recettes. Remarquons même, en passant, qu’il y a là un élément qui fausse les comparaisons faites entre le coût des chemins de fer construits par des compagnies,

  1. L’Est, dont la garantie commençait et finissait un an avant celle des autres compagnies, avait déjà obtenu cette prorogation en 1875, mais seulement pour les nouvelles lignes qu’on lui concédait à cette époque.