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« Idylle dramatique », porte l’affiche de Xavière. Et dans la musique sans doute le drame n’existe pas. Mais l’idylle a des parties plus qu’agréables, et qui peut-être suffisent, en dépit de la hiérarchie des genres, à placer le musicien de Xavière au-dessus du musicien même des Sept Paroles du Christ. N’allez pas croire au moins qu’il soit ici question de hors-d’œuvre ou de détails intimes, de ces riens que la critique relève et sauve par courtoisie ou par respect. Il s’agit d’une couleur générale et d’un style habituel, qui font de presque tout le premier acte de Xavière une chose infiniment distinguée et délicate.

C’est la fin d’un orage, et pour en détourner les dernières menaces, les enfans dans l’école chantent un cantique. Sous l’œil indulgent de Prudence repasse une petite paysanne, aguichée par un beau pastour. Puis c’est le retour du curé, la sortie de l’école et l’histoire, contée par le vieux prêtre aux petits enfans, de saint François d’Assise haranguant les oiseaux. Tout cela, redit ainsi, n’est rien ; en musique tout cela est charmant. — Soit ; mais comment tout cela est-il fait, demanderont les gens d’esprit exact, les amateurs d’étiquettes et de catégories. — Eh bien ! cela est fait de petites mélodies brèves, mais formelles, de rythmes choisis, d’harmonies élégantes sans recherche et sobres sans indigence ; de modulations naturelles, je ne dis pas banales, et qui varient la tonalité, mais ne la détruisent jamais. Cela enfin est écrit par un excellent musicien de France, dans le plus joli parler de chez nous. Oui, le parler, car cette musique parle aussi clairement qu’elle chante ; elle met chaque mot en lumière et donne au dialogue un tour facile, un air vivant. « Avec simplicité ; sans rigueur », porte constamment la partition. On y aurait pu graver aussi : « Avec dignité » ; une fois ou deux même : « Avec grandeur » ; car dans la courte et cordiale action de grâces du bon curé revoyant son village épargné par la foudre, dans le récit de la légende franciscaine, j’ai surpris une note discrète, mais émue et profonde, que dans les œuvres plus austères de M. Dubois, fût-ce les Sept Paroles, j’avais inutilement cherchée. Je l’aime, ce récit à la fois coulant et soutenu, dont jamais le fil léger ne se brise ou ne se noue. Au point de vue mélodique, au point de vue tonal, il est un et cependant il est divers. Hors le début et la fin, qui se répondent et l’encadrent, il ne contient pas deux mesures pareilles, encore moins deux mesures disparates. Toute cadence y est aisée, toute modulation limpide, et la justesse du rapport entre l’orchestre et la voix donne une grâce dernière à ce parfait petit tableau.

Le second acte a moins de prix, et c’est dommage. L’œuvre ici pouvait s’élever et s’agrandir. Non par l’action dramatique (celle-ci est vulgaire), mais par la couleur pittoresque et le sentiment de la nature. Un arbre colossal occupe tout le théâtre ; que n’occupe-t-il la musique