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la plume d’écrivains d’élite, le type historique de la nation apôtre, se dérouler les annales de la foi, et dans tout son éclat apparaître le rôle du peuple duquel on a pu dire qu’il avait fait par le monde les Gestes de Dieu ; rôle immuable depuis ses origines jusqu’à l’Encyclique Nobilissima Gallorum gens ; qui prouve que l’Église est restée fidèle à son principe ; que l’autorité suprême émanée de Dieu peut passer par le peuple, et l’Église tendre la main à la démocratie. Les illustrations d’après des documens historiques sont dignes du texte, dont elles forment le meilleur commentaire.

La Ville Éternelle n’aura plus de mystère pour nous quand nous aurons pénétré dans son intimité à la suite de l’abbé Chevalier. Fixé à Rome par les devoirs de sa charge de camérier du pape, il a demandé, comme autrefois Ampère sur ce sol mémorable, une intelligence plus nette et plus vive de la vie du peuple romain à la topographie, aux monumens, au spectacle du présent lui-même, qui contient des débris et comme des ruines du passé. L’histoire religieuse de Rome[1] a été pour lui l’objet d’une recherche assidue. Ses maîtres sont Baronius pour les annales ecclésiastiques, Muratori pour les événemens politiques, Ciaconius et Platina pour les vies des papes, et, à côté d’eux, les historiens spéciaux des basiliques et des églises. C’est ainsi muni qu’il est allé visiter et étudier en érudit le théâtre des faits qui se sont passés dans le lointain des âges. Le lecteur s’apercevra que ce livre a été vécu et senti jour par jour au mouvement qui l’anime et à l’intelligente curiosité dont il témoigne.

C’est le baptême de Reims qui a fait de la France, il y a quatorze cents ans, la fille aînée de l’Église, et ce n’est pas sortir de son histoire, retracée dans la France Chrétienne par un des successeurs de saint Rémi, que de raconter celle de Clovis[2] dont la gloire est de s’être fait l’agent de la politique épiscopale, et d’une peuplade barbare qu’il avait reçue, d’avoir fait une nation catholique. Elle semblait bien difficile à écrire cette vie, si l’on songe au petit nombre de témoignages qu’on peut consulter : un bout de lettre adressée aux évêques de son royaume, quelques notices empruntées aux annalistes du Ve et du Vie siècles et quelques légendes, qui sont tout ce que Grégoire de Tours, dans son Histoire des Francs, a pu mettre en œuvre, deux générations après la mort du fondateur de la monarchie chrétienne. Mais il n’est rien d’impossible aux érudits d’aujourd’hui et l’on verra avec quelle habileté M. Godefroid Kurth, après vingt ans d’études en partie consacrées à Clovis, à l’aide de documens rassemblés sur la vie des saints contemporains de Clovis, et après avoir compulsé les œuvres des historiens des derniers siècles, s’est tiré de cette difficile entreprise. Les

  1. Rome et ses Pontifes, par Mgr C. Chevalier, 1 vol. in-4o illustré ; Alfred Mame.
  2. Clovis, par M. Godefroid Kurth, 1 vol. gr. in-18 illustré ; Alfred Mame.