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qui dut exaspérer le rebelle, à une lettre de plainte que celui-ci avait publiée.

D’ailleurs, les grandes résolutions étaient prises. Une des premières lettres de notre évêque donne, tout de suite, le ton : « Reste maintenant l’affaire de M. de Nevers, qui, s’étant assuré force gens, ayant actuellement levé un assez bon nombre, grossi ses garnisons, muni ses villes, et écrit en fort mauvais termes, a donné, par ce procédé, de grand set justes sujets de plainte à Sa Majesté qui, par la grâce de Dieu, est en état de se faire obéir. On ne sait pas encore comment cette affaire se terminera, si doucement ou par les armes. Tout ce que je vous en puis dire est que véritablement Leurs Majestés désirent avec passion que mondit sieur de Nevers se reconnaisse et leur donne sujet de n’employer point leurs forces contre lui. S’il ne le fait, Elles sont obligées par raison d’Etat, de le mettre à la raison et s’y sont résolues comme tous autres qui voudraient s’élever contre leur autorité. »

Pour soutenir ce langage, il fallait des forces et il fallait de l’argent. L’argent, c’était affaire à Barbin de le trouver. Ses prédécesseurs avaient laissé la caisse vide : l’avarice des grands avait épuisé le royaume, et maintenant qu’on voulait « châtier leur insolence », on était ruiné. On dut donc recourir à ces moyens fâcheux usités sous l’ancien régime dans les grands besoins. On décréta par voie d’édits, qu’une taxe supplémentaire serait perçue par les élus. C’était une mesure arbitraire. La cour des aides refusa d’enregistrer les nouveaux édits. Mais les présidens furent convoqués au Louvre, et là, une algarade assez vive se produisit entre leur chef, le président Chevalier, et le garde des sceaux, Mangot. Celui-ci représenta la nécessité des finances, les excessives dépenses que le roi était contraint de supporter, l’urgence de recourir à des moyens extraordinaires pour y subvenir. Chevalier, en bon parlementaire, tonna contre le gaspillage et le désordre régnant dans les finances de l’Etat. Mangot répondit que les reproches en question portaient sur l’administration précédente, qu’il était dans les intentions du nouveau contrôleur général de porter remède aux abus signalés ; mais que, pour le moment, il fallait de l’argent à tout prix, et il enjoignit à la cour des aides d’enregistrer les édits. Quelques jours après, on envoya auprès d’elle le comte de Soissons assisté d’un maréchal de France et de trois des plus anciens du Conseil, et il fallut bien s’exécuter. Les ministres se procurèrent ainsi quelques ressources.

Barbin était, d’ailleurs, disposé à s’appliquer sérieusement à ses fonctions, et à mettre un peu d’ordre dans le bourbier suspect où la bonhomie de son prédécesseur, le président Jeannin, avait