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Mais, si l’incendie est inévitable, cherchons du moins à restreindre la part du feu. Dans cette lutte, plus modeste et mieux appropriée à nos moyens d’attaque, il nous est permis, d’ores et déjà, d’espérer de très satisfaisans succès. Sûrs de la fatale et rapide transmissibilité de la grippe, attentifs et exercés à la démasquer, dès la phase insidieuse du début, alors qu’elle se confond perfidement dans la masse des affections banales, — nous pourrons à temps, et sans jeter l’alarme, donner le signal avertisseur, qui fera dresser les seules barrières compatibles avec les exigences de nos relations économiques. Redoublement de la surveillance hygiénique de la voirie, des collecteurs et des établissemens ; — isolement immédiat des grippés, soit dans les familles, soit dans les groupes compacts des bureaux administratifs, des maisons d’éducation, des casernes ; — désinfection des objets de literie, ustensiles et locaux ayant servi aux malades ; — séparation encore plus rigoureuse des sujets atteints de complications graves, notamment des pneumoniques, dont l’évidente transmissibilité est d’autant plus redoutable qu’elle est, à peu près, la cause exclusive des cas mortels.

Les chefs responsables des grands services civils et militaires se feront un devoir sacré d’épargner à leurs subordonnés les débilitantes influences du surmenage, — des veilles nocturnes, — du stationnement prolongé dans l’air confiné, dans les chambres insuffisamment chauffées, sous la pluie, dans et sous la neige.

Que chacun aussi, individuellement, se pénètre de la nécessité de fuir, en temps d’influenza, les occasions évitables d’excès, de fatigues et de refroidissement. Parmi ces dernières, il n’en est pas de plus banales et de plus actives que les causeries en plein air, dans la rue, sur les places ventilées, dans les galeries humides et glaciales des monumens publics. C’est le domaine préféré du bacille grippal. A chaque parole, émise dans ces milieux perfides et pas assez redoutés, l’air froid et contaminé envahissant directement la cavité buccale se précipite de même dans le larynx et les premières voies respiratoires, qu’il irrite de son choc et de sa basse température, laissant sur la muqueuse, déjà impressionnée, les germes qui ne tarderont pas à forcer sa résistance vitale. Nous voudrions en outre que, aux approches de la saison dangereuse, la vigilance des pouvoirs publics se tînt pour obligée de dépister et de dénoncer les premières apparitions du fléau. À ce moment critique, où l’ennemi ne frappe encore que des coups discrets, peut-être parviendrait-on à le maintenir à bonne distance du corps de place, tout en épuisant sa force dans des escarmouches sans portée. Il serait à désirer, dans cet