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disposait, il ne pouvait aller plus vite, tout le monde doit le reconnaître.

« J’ai demandé ensuite à l’empereur de nous aider vis-à-vis de la Prusse dans les détails de l’exécution du traité de paix. Il y aurait là encore bien des difficultés, que le concours de la Russie ne pourrait qu’aider à aplanir.

« Sa Majesté m’a répondu que le prince de Bismarck venait de s’exprimer vis-à-vis de l’impératrice de Russie, à son passage par Berlin, dans des termes concilians, très courtois pour le gouvernement issu des suffrages de notre Assemblée, et qui étaient d’un bon augure pour l’avenir des relations entre les deux pays. L’Empereur a ajouté qu’en allant à Ems, il entretiendrait l’empereur d’Allemagne dans ces bonnes dispositions, et il a bien voulu me dire qu’il ne doutait pas que je ne rencontrasse à Berlin un fort bon accueil.

« Sa Majesté m’a ensuite parlé dans des termes très bienveillans du général Le Flo qu’elle aura grand plaisir à revoir. L’Empereur m’a annoncé son départ pour mardi et son retour pour la fin de juillet. C’est à ce moment qu’il compte recevoir le nouvel ambassadeur de France. »

Deux jours après cette audience, Alexandre II quitta Saint-Pétersbourg, accompagné du prince Gortchacow, pour se rendre à Ems, en passant par Berlin. J’eus lieu de m’apercevoir, par l’accueil courtois que je trouvai plus tard dans cette ville, que Sa Majesté avait bien voulu ne pas oublier sa promesse. Du reste, même avant son départ, l’Empereur avait tenu à ne laisser planer aucun doute sur son intention d’entretenir désormais les meilleures relations avec la France et son gouvernement, qui, disait-il hautement, par la répression de l’insurrection de Paris, avait rendu un véritable service à la cause de l’ordre en Europe. Dans cette intention j’appris et je mandai à Versailles, par un télégramme daté du 6 juin, que Sa Majesté avait raconté au prince de Reuss les points principaux de notre entretien, en le priant de faire connaître d’avance ses intentions à l’empereur Guillaume. D’autre part, M. de Westmann, qui devait faire l’intérim du ministre des affaires étrangères, pendant l’absence du prince Gortchacow, recueillit également le même récit de la bouche de l’Empereur, et il me laissa entendre qu’il avait reçu l’ordre de tenir le même langage vis-à-vis du corps diplomatique, pendant l’absence de Sa Majesté, à la condition, bien entendu, qu’aucune complication révolutionnaire nouvelle ne viendrait à surgir en France.

Quelques semaines après, le général Le Flo arriva à Saint-Pétersbourg, et le prince Orloff fut nommé ambassadeur à Paris.