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avec le comte Arnim et un commissaire bavarois, M. de Weber, les détails d’exécution du traité de paix. D’autre part, le comte de Saint-Vallier, qui connaissait très bien l’Allemagne, où il avait rempli en dernier lieu les fonctions de ministre plénipotentiaire à Stuttgard, était investi de la mission d’aller à Compiègne et ensuite à Nancy pour régler, d’accord avec le général de Manteuffel, toutes les réclamations que l’état de guerre avait fait naître entre les particuliers, les communes et l’autorité militaire allemande. Il eût semblé par suite que la tâche de l’ambassade, divisée ainsi en trois, dût être sensiblement allégée ; c’était même, je crois, l’intention des deux gouvernemens, qui auraient voulu réserver à ces deux commissions la suite des négociations pacifiques commencées déjà à Bruxelles entre M. de Balan, le baron Baude et M. de Clercq, et brusquement interrompues, mais il n’en fut pas ainsi. Au bout de peu de temps, on ne s’entendait pas sur plusieurs points importans à Francfort, et les commissaires fédéraux allemands se déclarèrent sans instructions pour poursuivre les négociations commencées. Il fallut donc recourir à Berlin pour en obtenir, et à la demande de nos plénipotentiaires, l’ambassade eut bien des fois à discuter à nouveaux frais avec la chancellerie fédérale sur des bases qui semblaient acquises.

Nous eûmes par suite constamment à faire de ce côté. À Nancy, la situation était plus simple ; car les réclamations locales, qui arrivaient de toute la France à notre commissaire, émanant soit des particuliers, soit des municipalités, furent réglées directement sur place entre le comte de Saint-Vallier et le quartier général allemand, qui parvinrent le plus souvent à s’entendre entre eux. Néanmoins, un certain nombre d’intéressés s’adressaient directement à l’ambassade, lorsque les autorités de Nancy ne pouvaient pas leur donner satisfaction. Le ministre des affaires étrangères, de son côté, nous envoyait quelquefois leurs réclamations en y joignant, suivant le cas, des recommandations plus ou moins pressantes. Il y avait là un travail considérable sur des questions particulières et contentieuses, en dehors, bien entendu, de la partie politique proprement dite, qui eût suffi à elle seule à absorber tous nos instans.

En voyant tant de difficultés accumulées, car la multiplicité des intermédiaires pouvait à elle seule créer à tout moment des conflits, nous nous demandions chaque jour s’il serait possible de conserver la paix. La presse des deux pays était particulièrement un gros embarras, et comment, d’autre part, s’en étonner après une pareille lutte ? Ici, elle représentait le cri de douleur d’une grande nation vaincue et mutilée, occupée encore par