L’Assemblée elle-même ne désavouait pas la cause au nom de laquelle on venait de la violenter. Plusieurs de ses membres voulaient comme Blanqui qu’on partît en guerre pour la Pologne de 1792. Le citoyen Napoléon Bonaparte (Jérôme) se contentait de la réorganisation du grand-duché de Posen, de Cracovie et de la Galicie suivant les promesses de 1815, « mais on ne pouvait pas exiger moins, dût-on risquer une guerre. Sans l’appui des nationalités nouvelles, de la Pologne avant toute autre, notre République ne sera jamais en sûreté vis-à-vis de l’Europe monarchique. »
Lamartine écarte ces chimères belliqueuses. « Envoyer cent ou deux cent mille hommes à travers l’Allemagne violée dans son sol, dans sa dignité, dans son orgueil, dans son sentiment national, au-devant d’une armée russe, ce ne serait pas un acte de patriotisme, mais un acte de démence. A moins qu’on n’ait jamais combiné la marche d’une armée ou un plan politique, ou qu’on n’ait jamais mesuré sur une carte la distance qui sépare la Vistule du Rhin, il ne saurait exister entre gens de bonne foi de dissentiment sur une telle évidence. »
La pensée générale de l’Assemblée était qu’aucune action utile en faveur de la Pologne ne pouvait être exercée en dehors de l’Allemagne. Lamartine mettait sa confiance en un appel à la Prusse, « l’alliée naturelle de notre politique, le chef de ses alliances de l’autre côté du Rhin. » Marrast proposait une adresse à nos frères d’Allemagne : « La France tend une main amie aux nations voisines et ne demande aucun agrandissement de territoire. Elle demande à l’Allemagne de s’unir à elle dans une sincère, solide et pacifique alliance pour rendre à la Pologne la vie indépendante que lui ont enlevée des traités maintenant déchirés. »
L’Italie n’était pas oubliée dans ce débat. Lamartine expliqua sa politique : « On disait que par condescendance pour l’Europe nous n’osions pas déclarer franchement nos sentimens, que nous cachions des actes timides devant des paroles douteuses… Eh bien ! vous allez voir ! Dès les premiers jours, nous avons fait communiquer aux puissances italiennes la volonté ferme d’intervenir au premier appel qui nous serait fait, et, par un acte conforme à cette déclaration, nous avons réuni à l’instant, au pied des Alpes, d’abord une armée de 30 000 hommes, puis une armée qu’en peu de jours nous pouvons porter à 60 000 combattans, et elle y est encore. Nous avons attendu un appel de l’Italie ; et, sachez-le bien, malgré notre profond respect pour l’Assemblée nationale, si ce cri eût traversé les Alpes, nous n’aurions pas attendu votre aveu, nous aurions cru remplir d’avance votre volonté, vos prescriptions, en nous portant au secours des