s’insurger contre leurs aînés. C’est un devoir que nos jeunes remplissent avec conscience, scrupuleusement et abondamment. Il faut donc les en louer. Mais il y a malgré tout une question de ton que je ne crois pas aussi négligeable que plusieurs le disent, question de courtoisie du moins apparente et de convenance extérieure, qui est encore une question littéraire. Que les écrivains nouveaux méprisent les écrivains anciens, tant qu’ils voudront et tout à leur aise, par devoir et par goût, dans l’intérêt de l’art et aussi pour leur satisfaction personnelle. Ne pourraient-ils les mépriser poliment ? Est-il absolument nécessaire à la constitution d’une esthétique nouvelle que ses prophètes pour l’annoncer se servent du langage que, dans tous les temps, les gens bien élevés ont laissé à ceux qui ne le sont pas ? Il y a beaux jours que ce qui fut le journalisme littéraire ou encore ce qu’on appela l’éloquence politique a sombré sous le flot montant de la grossièreté. Nous assistons à une poussée tendant à ravaler au même niveau les discussions d’art. La vie littéraire est une vie de lutte, qui a sa grandeur quand on lutte pour les idées ou contre elles, qui n’est que mesquine et misérable quand le dévouement aux idées est remplacé par la haine, et, — pourquoi ne pas le dire ? — par l’envie contre les personnes.
RENE DOUMIC.