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de vue, elles sont en contradiction si formelle avec la politique générale suivie par la reine pendant sa régence qu’on ne peut qu’être frappé de l’espèce d’instinct qui, si longtemps à l’avance et en dépit des circonstances ambiantes, pousse dans sa vraie voie le futur cardinal de Richelieu.

Les systèmes politiques qu’une génération offre à l’activité d’un homme d’État sont peu nombreux et simples. Une fois au pouvoir, il se porte d’une prompte inclination vers celui dont la réalisation absorbera sa vie. Mais le danger de ces vues si naturelles et si fortes est dans la précipitation. Lancé en avant, l’homme d’imagination ardente ne remarque pas toujours qu’on ne le suit pas et qu’il est seul. Les jeunes gens surtout sont pressés et ne veulent pas faire crédit aux années, qui, pourtant, les payent toujours avec usure.

C’est ainsi que Richelieu, au moment où il adresse à Schomberg les belles instructions dont il sera toujours si fier et qu’il a soigneusement insérées dans ses Mémoires, parce que leur portée s’étend sur toute sa carrière politique, complique singulièrement le problème des relations extérieures de la France par la hâte qu’il apporte à la tractation des affaires d’Italie. Son ambition est de les régler d’un seul coup, et par une initiative nouvelle et hardie émanant de la France seule. L’idée première de ce projet apparaît tout d’abord dans la correspondance de Béthune ; c’est un diplomate intelligent, actif, expérimenté, mais, comme la plupart des agens qui résident au dehors, plus frappé par le prestige d’une politique d’action que retenu par l’appréhension des difficultés qu’elle soulève et des sacrifices qu’elle impose.

Cette idée embryonnaire, Richelieu la fait sienne, la développe, en tire tout un programme. Après avoir consulté, — pour la forme probablement, — le prudent Villeroy, qui, par calcul peut-être, encourage les témérités de son jeune successeur, il se lance à fond. Il se rend compte pourtant que la France n’a, pour le moment, qu’un intérêt indirect dans la question ; mais il a confiance en ses forces, et il écrit au nom du roi : « Si je n’étois plus touché des intérêts d’autrui que je ne suis des miens propres, j’attendois du temps ce que, jusques ici je n’ai pu avancer par mon entremise ; mais l’affection particulière que j’ai au bien de ceux qui sont mêlés en cette affaire m’empêche de prendre cette résolution. » Voilà donc qu’il touche, en même temps, à l’affaire de Savoie et à celle des Vénitiens : « J’estime que, par un même accord, on peut terminer ces deux différends, et, ainsi, mettre tout d’un coup la chrétienté en repos. » Quel est donc le procédé