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conçoivent, d’ailleurs, qu’un dessein plus vigoureux de s’engager à fond contre les rebelles.

Dès le début de janvier, les fers sont mis au feu partout à la fois : « Il se tient sans cesse ici des conseils de guerre d’une très grande importance. On est décidé à quitter la politique des rois antérieurs qui dirigeait les peuples par la douceur et la tolérance. On recourra, s’il le faut. À la force et à la violence. Mais on veut obtenir de tout le monde entière obéissance… Les ministres font tout pour arriver à une autorité absolue… On considère maintenant la guerre comme décidée. La reine mère est disposée à risquer le tout pour le tout… Nous tenons cela de la bouche même de l’évêque de Luçon, qui nous a dit que c’était chose décidée et décrétée dans le Conseil. »

Tout d’abord, on veut agir sur l’opinion. Ce serait une erreur de croire que, sous l’ancien régime, les gouvernemens tenaient peu de compte du sentiment public. Ils s’appliquaient, au contraire, à rester constamment en contact avec lui. Pendant les guerres de religion, on avait connu la force des courans d’idées déterminés par une active publicité. Tous les partis rivaux s’efforcent de gagner les esprits à leur cause. Une nuée de pamphlets s’abat sur le pays ; une guerre de plume passionnée épuise toutes les armes. La presse actuelle n’est ni plus prompte, ni plus ardente, ni plus téméraire, ni plus spirituelle parfois, ni parfois plus niaise. Tout se dit, tout s’écrit ; le torrent des injures, des médisances et des calomnies grossit toujours et déverse impunément ses ondes noires : la polémique dénonce elle-même les abus de la polémique.

Luçon, emporté peut-être par son ardeur juvénile, se jette dans la mêlée. Le duc du Maine, fils du fameux Mayenne de la Ligue, « homme violent et téméraire, d’esprit impatient et de nature inquiète, ennemi mortel du maréchal d’Ancre », s’était plaint, dans un mémoire répandu à profusion, des procédés violens employés par les chefs du gouvernement, et, s’exagérant sa propre importance, il avait prétendu qu’on avait voulu le faire assassiner. Le 17 janvier 1617, Richelieu lui répondait, au nom du roi, par une lettre publique. C’est un curieux morceau d’ironie concentrée. « Je ferai châtier le coupable, s’il le mérite, dit le roi ; je ne souffrirai jamais qu’en mon État on pratique impunément telles méchancetés. Mais je permettrai aussi peu qu’on entreprenne sur les places que me gardent mes sujets et mes serviteurs que sur leurs vies. C’est pourquoi, demeurant dans les bornes de votre devoir, vous pouvez vous assurer que rien ne vous conservera plus sûrement les villes qui ont été autrefois consignées entre les mains de votre père, que mon autorité. Je ne