ce sera pour le mardi qui suivra le 31 mars ; — et on ne part pas. Enfin le 8 avril, on décide brusquement que le voyage n’aura pas lieu. Ordres, contre-ordres ? Le public ne comprend pas. Mais ceux qui sont dans le secret assurent « que la reine mère avoit avis que le roi, qui se voyoit de jour en jour plus méprisé, avoit résolu, si l’on alloit à la campagne, après avoir fait une journée ou deux, de prendre quelques-uns de sa suite les plus confidens et s’en aller lui-même en son armée, se loger dans le quartier du régiment de ses gardes,… et d’y prendre la résolution de ce qu’il avoit à faire pour s’ôter du gouvernement et de l’autorité de la reine sa mère et de la tyrannie du maréchal d’Ancre. »
Tous les yeux sont tournés vers le maréchal d’Ancre. Lui poursuit ses desseins particuliers, va et vient comme si de rien n’était. Il a confiance en son étoile. D’ailleurs, il est brave et aurait dit volontiers comme l’autre : Ils n’oseraient. Un jour, au conseil, il s’assied sur le siège du roi. Un autre jour, il se moque de voir celui-ci jouer comme un enfant et dit « qu’il faudroit lui donner le fouet » ; il se couvre devant lui ; il se pavane, dans la cour du Louvre, à la tête de 200 ou 300 gentilshommes, tandis que le roi regarde, de la fenêtre du premier, seul avec Luynes. Le roi a besoin de quelque somme d’argent pour ses plaisirs : on lui objecte que la caisse est vide ; cependant, on trouve toujours de l’argent pour donner aux favoris.
Concini n’éprouvait-il pas au fond du cœur plus d’inquiétude qu’il n’en laissait paraître ? Sa femme, en tout cas, « plus adroite que lui », était nerveuse, agitée, pleurait, demandait à partir. La reine elle-même aurait voulu le modérer et elle le « rabrouait » en public. Surtout, un symptôme qui ne trompe pas les esprits perspicaces aurait dû le frapper : ses amis, ses créatures, les ministres, prenaient leurs précautions et se détachaient de lui. Barbin, après plusieurs algarades très vives, lui tournait franchement le dos ; on dit que le maréchal avait déjà pris son parti de la brouille et qu’il songeait à remplacer Barbin, Mangot et Richelieu par des hommes qu’il considérait comme plus sûrs : Ruccelaï, de Mesmes et Barentin.
Quoi qu’il en soit, l’attitude de l’évêque de Luçon, en cette conjoncture, est digne de toute curiosité. Il ne se fait plus d’illusion ; il ne cache même pas sa tristesse et ses appréhensions ; seulement il essaye de se tirer personnellement d’affaire et de sauver ce qui peut être sauvé.
Tandis qu’à l’égard de Concini, il multiplie les prévenances, les lettres obséquieuses, les paroles de confiance ou les protestations de dévouement, il s’éloigne cependant à reculons, cherchant, à la dérobée, quelque issue. L’évêque va trouver le nonce du