voyage du roi produirait une grande impression dans le pays et mettrait fin aux intrigues qui se nouaient, à la cour même, sous les yeux de la reine régente.
L’habitude de l’indiscipline était tellement invétérée et les sentimens de haine à l’égard de Concini étaient si répandus, qu’on voyait les plus fidèles serviteurs de la royauté et de la reine, à Paris et dans les provinces, se détacher, l’un après l’autre, du parti de la cour. Par une tactique renouvelée des luttes du XVIe siècle, ces mécontens, plus sages ou plus habiles que les princes révoltés, se groupaient en un parti intermédiaire, — un tiers parti, qui, comptant sur les sentimens toujours peureux et toujours frondeurs de la bourgeoisie, espérait, avec le concours des politiques, imposer à la royauté et aux rebelles une fructueuse médiation. On citait, parmi les grands personnages qui s’attachaient à ce parti, le vieux d’Epernon, favori hautain, jaloux de toute faveur qui n’allait pas vers lui ; Lesdiguières, auquel la rumeur publique attribuait un mot inquiétant : « Je suis venu pour faire la paix d’Italie, et je m’en retournerai pour faire la paix de France » ; Sully, toujours chagrin et toujours impatient d’un pouvoir qui lui échappait toujours ; Montmorency, si puissant dans son Languedoc ; Bellegarde, Roquelaure, d’Alincourt, gouverneur de Lyon et gendre de Villeroy. On disait que ces grands seigneurs, se targuant d’une fidélité particulière et affirmant que la politique de Concini et des ministres était contraire aux véritables intentions du roi, se préparaient à marcher sur Paris, à la tête d’une armée de 35 000 à 40 000 hommes, pour se mettre à la disposition de Louis XIII et l’arracher à la servitude où le tenaient la régente et ses favoris.
Pour couper court à ces bruits, — peut-être à ces projets, — le mieux était de mettre à exécution, sans retard, la résolution arrêtée de conduire le roi à Soissons. Mais, sans qu’on pût s’expliquer exactement pourquoi, ce voyage, toujours annoncé, était retardé de jour en jour. A la fin de février, on prie les ambassadeurs de se préparer à accompagner le roi « qui partira la semaine prochaine ». Le 12 mars, le voyage devient problématique. « On craint de laisser Paris sans troupes avec le prince de Condé dans sa prison. Un soulèvement populaire auroit vite fait de le délivrer et de lui confier le commandement de la capitale. » Les uns affirment que c’est le roi qui ne veut pas partir ; les autres disent que la reine est indécise : « Une personne bien renseignée m’assure que la reine a peur du roi ; on auroit découvert récemment que cette sortie du roi seroit dangereuse, et on lui auroit conseillé de ne pas se séparer de lui. » Pendant tout le mois de mars, on a le pied sur l’étrier 2 ce sera pour le 12 ; ce sera pour le 20 ;