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dramatiques, ses vers de 1819 laissaient aussi peu prévoir ceux des Odes et Ballades ou des Orientales que sa prose celle de Notre-Dame de Paris. En 1822, il publia ses Odes et poésies diverses chez Pélicier, en même temps qu’Alfred de Vigny donnait au même éditeur, sans signer, ses poèmes d’Héléna, de la Somnambule, de la Femme adultère, etc. C’est donc cette année-là que s’ouvre, à la rigueur, l’ère romantique, ayant devant elle un assez bel avenir, car on la peut prolonger jusqu’à sa limite extrême, en 1843, jusqu’à la représentation des Burgraves et l’apparition de la Lucrèce de Ponsard.

Et vous savez ce que répondit Célestin Nanteuil lorsque Hugo lui fit demander trois cents jeunes gens pour soutenir de leurs bravos les Burgraves comme autrefois Hernani et le Roi s’amuse ! « Il n’y a plus de jeunesse, aurait dit mélancoliquement le vieux combattant romantique, et je ne puis recruter les trois cents plaqueurs qu’on me demande. » En effet toute la phalange de peintres, de graveurs et d’écrivains qui s’était groupée autour d’un esprit supérieur était déjà disséminée et les fanatiques partisans d’autrefois avaient pris de l’âge et tiré chacun de leur côté sans être remplacés par des jeunes recrues qui les valussent, même en nombre. Et cependant, le public n’était pas tellement gagné à la cause romantique qu’on le pût abandonner à lui-même et ne pas douter de l’accueil qu’il ferait aux Burgraves sans être entraîné, violenté par des défenseurs convaincus et surtout menant grand tapage. Il fallait plus que jamais lui forcer la main si l’on voulait que tel ou tel auteur eût au moins les apparences d’un triomphe. La preuve en est que les Burgraves, qui devaient consacrer les succès progressifs du romantisme, en marquèrent le premier grave échec, contrairement à tout espoir, par ce seul fait qu’on n’avait pas pu réunir trois cents partisans pour faire du bruit comme trois mille et imposer leur opinion à tant de spectateurs plus timides et moins bruyans. Nanteuil le pressentait et, comme dit fort bien Gautier, « il avait combattu avec un courage héroïque à toutes les grandes batailles du romantisme, mais il ne se faisait pas d’illusion sur l’issue de la lutte. D’une part il sentait l’animosité croissante, de l’autre l’enthousiasme diminuant, et la médiocrité heureuse de reprendre sa revanche sur le génie. »

En réalité, le mouvement romantique ne fut pas l’élan irrésistible de toute la jeunesse à la conquête des libertés littéraires, et c’était une illusion de Gautier de penser que toute la jeunesse, au temps de Hernani, se ruait impétueuse vers l’avenir, ivre d’enthousiasme et de poésie, comptant cueillir pour elle à son tour les palmes qu’elle disputait pour son chef acclamé. Tous ne combattaient pas, parmi les jeunes gens d’alors, mais dame ! ceux