la frontière du Transvaal ; le 1er janvier ils arrivent à Krügersdorp où la bataille s’engage : épuisés par une marche forcée, ils luttent vaillamment ; mais le lendemain leurs munitions sont épuisées ; les secours attendus n’arrivent pas, et ils sont contraints de se rendre après avoir perdu une portion notable de leur effectif. Jameson passe devant un conseil de guerre qui le condamne à mort : le président Kruger, qui paraît joindre la sagesse et la modération à l’énergie, suspend l’exécution de la sentence, fait arrêter les meneurs du mouvement insurrectionnel à Johannesburg ; il est en même temps en rapports constans avec le haut commissaire de la reine, gouverneur du Cap, sir Hercules Robinson, venu tout exprès de Capetown à Pretoria pour conduire ces délicates négociations. Depuis la chaleureuse dépêche de l’empereur d’Allemagne félicitant « l’oncle Paul », ainsi que les Boers appellent familièrement leur chef, l’Europe attentive suit la marche des événemens au Transvaal. Deux problèmes se posent : quels seront désormais les rapports de celui-ci avec la Grande-Bretagne ? quelle sera l’attitude du gouvernement anglais vis-à-vis de la Chartered, de cet enfant chéri, mais terrible, qu’il a été obligé de désavouer, et qui vient de le mettre en si délicate posture ?
Nous laisserons de côté aujourd’hui le premier point. Le traité de 1884 ne reconnaît à l’Angleterre d’autre droit que celui de mettre son veto, dans les six mois, aux traités conclus par la République sud-africaine avec des puissances étrangères. On ne saurait déduire de là un protectorat qui n’a jamais existé que dans l’imagination des jingoes d’outre-Manche. L’oncle Paul n’a qu’à rester dans le statu quo sans que pour cela son indépendance puisse être mise en péril. Quant à l’avenir de la Chartered, il nous paraît plus incertain. Le cabinet de Saint-James, qu’il ait été sincère ou non dans le blâme infligé aux envahisseurs du Transvaal, qu’il arrête les chefs du mouvement en vue de donner une satisfaction nécessaire aux Boërs ou de poursuivre une enquête sérieuse, doit sentir les inconvéniens d’une délégation des pouvoirs souverains accordée à une compagnie particulière. Beaucoup d’Anglais estiment que l’impératrice-reine ne saurait laisser la direction de sa politique aux mains d’un managing director, fût-il M. Cecil Rhodes, et voudraient que la couronne reprît dans ces vastes territoires l’exercice des pouvoirs civils et militaires qu’elle avait abandonnés. Elle le fera d’autant plus aisément que l’ère des conquêtes doit lui sembler fermée, dans toutes les directions à peu près ; elle se beur ter ait aujourd’hui à des possessions européennes ou à des États indépendans, dont l’autonomie se trouve