placée sous la sauvegarde morale des puissances amies, ainsi que l’a proclamé Guillaume II. Le moment est venu où un gouvernement régulier peut hériter du domaine magnifique que les enfans perdus de la colonisation lui ont préparé. La compagnie des Indes a disparu un jour pour céder la place à la couronne britannique. La Chartered fera peut-être de même. Elle subsisterait comme compagnie territoriale et minière et chercherait à faire la fortune de ses actionnaires avec les mines d’or, auxquelles elle tient si fort et dont elle fait si grand cas : mais son rôle politique pourrait bien être achevé, ou momentanément interrompu.
Ce retrait des pouvoirs civils et militaires, en un mot des droits de souveraineté, n’impliquerait d’ailleurs en aucune façon la liquidation de la compagnie et ne nuirait pas à sa situation financière. Il porterait une certaine atteinte à son prestige extérieur, mais lui permettrait en revanche d’arriver plus vite à l’équilibre de ses budgets, que des échauffourées comme celles du belliqueux docteur ont dû singulièrement compromettre. L’Angleterre reprendrait à sa charge les frais d’administration et de gouvernement ; les directeurs élaboreraient moins de plans de campagne et partant auraient plus de loisirs pour vaquer aux intérêts commerciaux de l’affaire. Le retrait du privilège royal ne ressemblerait en rien à une confiscation. Tout ce qui, dans l’affaire, est propriété particulière, serait respecté. Les actionnaires n’auraient donc pas à se plaindre, non plus que l’Europe, à qui la dernière levée de boucliers vient de causer de si vives inquiétudes.
Mais si les assemblées futures de la Chartered, au lieu de retentir des récits de batailles et de servir d’occasions de triomphe aux conquistadores anglo-africains, ne doivent plus être que des réunions de paisibles associés discutant le doit et l’avoir de leur affaire, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître ce qu’il y a eu d’énergie dépensée au service de cette œuvre et les qualités de vigueur que certains hommes y ont déployées. Les noms de Rhodes et de Jameson, quelque jugement que l’on porte d’ailleurs sur leur dernière entreprise, ne sauraient être passés sous silence dans l’histoire de l’Afrique à la fin du XIXe siècle.
Né en 1853, Cecil Rhodes, quatrième fils d’un clergyman commença sa fortune à Kimberley, dans les mines de diamans, dont il amena, en 1888, la fusion définitive en une seule compagnie, la puissante De Beers Consolidated, qui a un capital de plusieurs centaines de millions et tient aujourd’hui dans ses mains le commerce des diamans de l’univers. Car il faut noter un trait qui donne bien à cette physionomie son caractère anglo-saxon et