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qu’un agréable passe-temps ou encore une des formes du jeu. Bien peu de personnes en effet songent à utiliser les pigeons pour les transactions de la vie quotidienne. « Nous avons à notre disposition le téléphone, le télégraphe, la poste, à quoi bon recourir à un mode de correspondance aussi primitif ? » Telle est la raison qu’on donne trop souvent pour reléguer le pigeon voyageur parmi les objets de luxe, tel est le préjugé que nous voulons essayer de combattre. Nous pensons que les relations de toute nature gagneraient beaucoup en rapidité si l’on employait le pigeon, concurremment avec les modes de correspondance les plus perfectionnés. Cet utile messager peut, dans bien des cas, suppléer ou même remplacer avantageusement la poste et le télégraphe. Un réseau télégraphique, même très dense, ne peut desservir que des localités présentant une certaine importance ; il ne saurait relier directement par exemple un château avec ses voisins, ses fournisseurs ou ses dépendances, parce que la correspondance quotidienne se borne le plus souvent à l’échange d’un nombre de dépêches insuffisant pour motiver la création d’un bureau et surtout d’une ligne.

Nous nous proposons donc d’étudier les moyens de tirer un parti immédiat et pratique des ressources existant déjà dans nos colombiers. Il semble nécessaire au préalable de rappeler sommairement les services rendus dans le passé par le pigeon messager ; n’est-ce pas le meilleur moyen de faire pressentir ce que peut devenir ou plutôt ce que sera dans l’avenir la poste aérienne ?


I

Quand on parcourt l’histoire de l’Asie, on voit dès les premières pages surgir cette question sociale qui, sous des formes si variées, agitera le monde pendant le cours des siècles. C’est d’abord la lutte entre le nomade ennemi de la propriété et l’habitant des villes. Tandis que les populations industrieuses ont formé des agglomérations urbaines ou plutôt de véritables provinces fortifiées telles que Ninive et Babylone, la campagne appartient toujours sans conteste aux pasteurs pillards. Des relations s’établissent pourtant entre les villes qui sont des centres d’exploitation agricole et surtout de production industrielle. Mais si les échanges commerciaux entre ces grands marchés peuvent se faire au moyen de caravanes défendues par des escortes nombreuses, quels messagers porteront la correspondance qui est l’âme même du commerce ? Comment des villes séparées par des déserts parviendront-elles à s’entendre pour combattre l’ennemie