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conjuguer un verbe latin ni seulement décliner un nom. On dit aussi qu’ils prennent couramment « le Pirée pour un homme, » et Henri IV pour le fils d’Henri III. Mais que prouvent ces exemples ; et comment le baccalauréat, qui ne roule que sur les matières des classes de rhétorique et de philosophie, peut-il être rendu responsable de l’ignorance des élèves de seconde ou de l’insuffisance des élèves de sixième ? Ce sont ici les nouvelles méthodes, c’est le système général des études qu’il faut que l’on accuse ; — et, si l’on le peut, que l’on améliore. Mais comme on ne veut pas avouer, comme on n’avouera pas que, depuis tantôt vingt ans, on s’est lourdement trompé sur le véritable objet des études, on feindra de croire, aussi longtemps qu’il subsistera dans l’organisation de notre enseignement un reste de l’ancien système, que c’est lui qui empêche ou qui retarde les heureux effets des nouvelles méthodes. Et la suppression du baccalauréat sera peut-être un jour la dernière démarche de cette politique tortueuse, mais elle n’en est pas pour cela plus urgente, et si l’on veut la justifier, c’est d’autres raisons qu’il faut que l’on en trouve.

On le sent si bien, au surplus, que l’on essaie d’en donner ; et c’est ce que l’on fait quand, avec autant de naïveté peut-être que d’audace, on reproche à l’examen du baccalauréat ce qu’il comporterait de hasard ou de chance. On y voit, dit-on, réussir d’abominables « cancres » et, qui le croirait ? d’excellens élèves, des prix d’honneur, des candidats à l’École normale, y échouer lamentablement. Sur quoi nous voudrions savoir dans quelle sorte d’examens, depuis que l’on en passe, la chance et le hasard n’ont pas joué leur rôle ? En vérité, nous aurions trop de confiance dans la vertu des concours, nous serions devenus trop Chinois, si nous nous imaginions qu’un examen ne profite qu’aux plus dignes et aux plus méritans ! Il en faut prendre notre parti, comme nous le prenons de n’avoir pas deux ailes ou quatre pieds : la chance ou le hasard aura toujours sa part, et une part considérable, dans les affaires des hommes en général, et des candidats en particulier. Mais ceci dit, l’examen du baccalauréat ne comporte pas plus de hasard ou de chance que l’examen d’entrée de l’École navale, par exemple, ou celui de l’École polytechnique. Il en comporte même beaucoup moins, n’étant pas un « concours » à proprement parler, — où 1 200 candidats se disputent 250 places, — mais un examen, dont tous ceux qui le subissent peuvent sortir également vainqueurs. Et cet examen, pour en sortir vainqueur, nous affirmons qu’il suffit de l’avoir « préparé ».

Mais cette « préparation » même n’a-t-elle pas quelque chose en soi de « mécanique » ou « d’artificiel » ? O pouvoir éternel des mots ! Quel moyen artificiel ou mécanique y a-t-il donc de faire