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Mais disons d’abord comment on les observe : dans l’air, ils ne se manifestent que par me légère fluorescence bleuâtre qui disparaît rapidement quand on diminue la pression : mais M. Lenard a découvert qu’ils rendent lumineuses certaines substances phosphorescentes et surtout qu’ils impressionnent les plaques photographiques. Dès lors il était facile de les suivre ; on a constaté qu’un rayon cathodique dans un gaz va se diffusant peu à peu en tous sens, comme ferait un rayon lumineux dans un milieu trouble ou dans un air très chargé de poussières. Cette diffusion est très rapide et, sous la pression atmosphérique, le rayon devient insensible au bout d’un trajet de quelques centimètres. En comparant les actions de divers gaz è différentes pressions, on trouve que ces actions ne dépendent pas de la nature du gaz, mais seulement de sa densité. Enfin on constate qu’aucun milieu, qu’il soit ou non absorbant pour la lumière, qu’il soit conducteur ou isolant, n’exerce d’absorption d’un genre particulier ; une lame de verre, dont la densité est voisine de celle de l’aluminium, absorbe à peu près autant sous la même épaisseur ; et si l’on s’est adressé au métal pour construire la fenêtre qui doit laisser passer les rayons, c’est simplement parce qu’il est, dans ces conditions, beaucoup plus maniable et plus résistant que le verre.

Si nous ajoutons que les rayons cathodiques sont déviés par un aimant, nous aurons exposé les caractères essentiels du phénomène ; voyons maintenant en quoi consiste la nouvelle découverte. M. Röntgen a observé qu’au voisinage d’un tube de Crookes ordinaire, sans fenêtre d’aluminium, se propagent des rayons invisibles, dont les actions étaient restées jusqu’ici inaperçues et qui ne sont pas identiques aux rayons cathodiques que M. Lenard a obtenus dans l’atmosphère. En attendant qu’on ait pu préciser un peu la nature des rayons qu’il a découverts, M. Röntgen les a appelés « rayons X » (X-Strahlen) ; il paraîtra sans doute moins bizarre de les désigner sous le nom de rayons de Röntgen. Le mémoire présente à la Société physico-médicale de Wurtzbourg décrit ainsi l’expérience fondamentale : On fait passer la décharge d’une grosse bobine d’induction dans Un tube de Hittorf, ou dans un tube de Crookes ou de Lenard, dans lequel on a fait le vide avec soin. Le tube est entouré d’un écran de papier noir qui le recouvre exactement. On met alors, dans une chambre où règne une obscurité complète, un papier recouvert, sur une de ses faces, d’une matière fluorescente, qui s’illumine brillamment quand on l’amène au voisinage du tube. » Il est indifférent de présenter au tube la face sensibilisés ou la face nue du papier : l’agent nouveau qui a traversé le papier noir, — qui ne laisse sortir du tube aucune lumière sensible, — traverse aussi bien l’autre. A deux mètres de distance, l’effet est encore appréciable.