Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un carton épais qui est absolument opaque pour la lumière de l’arc électrique ou la lumière du soleil et qui ne laisse pas non plus passer les rayons ultra-violets, reconnaissables à leur action photographique, est transparent pour les nouveaux rayons. Cette constatation amène immédiatement à rechercher si d’autres corps ne les laisseront pas également passer. On observe que le papier, sous toutes ses formes, est très transparent : un livre de mille pages, deux jeux de cartes superposés, ne suffisent pas à absorber toute la radiation ; ils l’affaiblissent sans la détruire entièrement. Des blocs de bois épais sont encore transparens. Des planches de pin de 2 ou 3 centimètres d’épaisseur n’exercent qu’une absorption très faible.

Si les corps ordinairement opaques laissent passer les rayons de Röntgen, les corps transparens ne les arrêtent pas. L’eau et plusieurs autres liquides présentent une grande transparence. L’air n’absorbe pas notablement plus que l’hydrogène sous la même pression. Nous constatons ici une différence bien nette avec les résultats obtenus par M. Lenard : comme on l’a vu plus haut, l’action des différens gaz sur les rayons cathodiques est la même quand ils ont même densité ; l’hydrogène étant quatorze fois et demie moins lourd que l’air, il fallait, pour obtenir des effets égaux à ceux de l’air, le prendre sous une pression quatorze fois et demie plus grande. Les actions sont sensibles, dans l’air atmosphérique, à une distance de deux mètres, beaucoup plus grande que dans les expériences de M. Lenard.

Les métaux donnent des résultats analogues : une feuille d’étain atténue à peine la fluorescence, comme pourrait agir une gaze légère sur un rayon lumineux ; il faut superposer plusieurs feuilles pour obtenir une diminution notable. La transparence d’un métal augmente avec sa légèreté ; une feuille de platine de 0,018 millimètres d’épaisseur exerce la même action qu’une plaque d’aluminium de 3 millimètres et demi.

D’une façon générale, pour les corps solides, c’est la densité seule qui détermine le pouvoir absorbant. Le vermillon, qui doit sa couleur a un sulfure de mercure très pesant, arrête complètement les rayons sous l’épaisseur d’une couche de peinture. C’est ainsi que M. Röntgen, en interposant entre le tube et le papier sensible une boussole enfermée dans une hotte métallique et dont les divisions étaient marquées en rouge ainsi que les lettres N E O S, a vu se dessiner en traits sombres lettres et divisions ; l’aiguille apparaissait également en noir parce qu’elle constituait une épaisseur notable d’acier qui absorbait les rayons, de sorte que l’image obtenue reproduisait fidèlement l’aspect de la boussole. Enfin, il constata qu’en plaçant sa main au-dessus du papier il obtenait une ombre portée de ses os avec une ombre légère indiquant le contour des chairs. La première idée qui devait venir à