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un physicien était de chercher à se prémunir contre les illusions et à conserver un témoin de sa découverte en essayant de fixer sur une plaque photographique ces images si curieuses ; l’expérience réussit et fournit ces clichés qui ont excité l’admiration du monde entier.

Ainsi qu’on vient de le voir, le mode opératoire est des plus simples : pas d’appareil compliqué, pas de disposition particulière, pas de tour de main. Tout le matériel se compose d’une bobine d’induction, de quelques élémens de pile qui servent à l’actionner et d’un de ces tubes de Crookes qu’on trouve chez les souffleurs de verre. Qu’un enfant tourne le commutateur de la bobine, et l’expérience est prête ; il suffit d’approcher du tube une plaque photographique, et de placer entre les deux l’objet à étudier. Il n’y a pas de mise au point ; l’épreuve ne constitue pas à proprement parler une image, au sens que les physiciens donnent à ce mot, c’est simplement une ombre portée, une silhouette ; les chairs, qui sont beaucoup moins denses que les os, laissent seules passer les rayons. Enfin, pour surcroît de simplicité, il est inutile d’opérer dans l’obscurité ; on laisse la plaque dans le châssis, sous son volet ; la lumière du jour ne l’atteint pas, et les rayons de Röntgen vont à travers le bois tracer l’image désirée.

On le voit, si l’on compare seulement les actions photographiques, il n’y a qu’une différence de degré entre les résultats de M. Röntgen et ceux de M. Lenard. L’un et l’autre ont obtenu des rayons qui se propagent dans l’air, traversent tous les corps d’autant plus facilement qu’ils sont plus légers, impressionnant les plaques photographiques. Mais les rayons cathodiques de M. Lenard s’éteignaient trop vite dans l’air et ne traversaient que des épaisseurs de métal beaucoup trop faibles pour qu’on put songer à aucune application du genre de celles qu’a réalisées M. Röntgen. Pourtant il n’est pas interdit de penser qu’on aurait pu développer leurs qualités utiles ; les rayons cathodiques présentent des propriétés assez variables suivant la pression du tube où ils ont été produits ; qu’y a-t-il d’impossible à ce que des essais systématiques ne nous fournissent enfin des rayons utilisables ? L’espoir est d’autant plus permis que les expériences de M. Röntgen ont pu être tout récemment répétées en public avec des rayons sortant directement d’un tube de Lenard par la fenêtre d’aluminium.

Je ne prétends pas, cela est clair, que M. Lenard doive être considéré comme le précurseur de M. Röntgen ; j’ai voulu seulement indiquer que, chez les physiciens qui s’étaient tenus au courant des dernières recherches relatives aux rayons cathodiques, la découverte d’hier ne pouvait pas susciter l’étonnement sans bornes qu’elle a causé dans le grand public, qui ignorait les travaux antérieurs.

Ce qui intéresse véritablement les savans, c’est de savoir quelle est la nature des rayons de Röntgen. Constituent-ils un terme encore