à la commission celui de M Demôle. Nous n’hésitons d’ailleurs pas à reconnaître que ce projet dépasse la mesure. S’il plaît à l’État de se faire industriel, marchand d’allumettes ou de tabac par exemple, il n’y a pas de motif pour qu’il échappe à la loi commune, ni pour qu’il en enlève le bénéfice à ses ouvriers. Les exceptions proposées par M. Traneux les seules qui se justifient sont tirées de la nature des services et non pas du caractère particulier de celui qui en a l’entreprise. On a toujours le droit de dire à l’Etat lorsqu’il agit comme un particulier Patere legem quam ipse fecisti. Prenons donc le vote de la Chambre haute pour ce qu’il est, c’est à dire pour une manifestation
Il est probable qu’en tout état de cause ce vote aurait été le même, mais il est certain qu’une circonstance survenue le jour où il s’est produit a contribué à le rendre plus ferme encore et plus résolu. Le gouvernement avait montré une fois de plus avec quelle docilité il obéissait, sans hésiter, sans sourciller, aux injonctions des groupes socialistes. Carmaux venait d’attirer de nouveau l’attention. M Rességuier avait renvoyé trois ou quatre ouvriers et naturellement les socialistes l’expliquaient en disant que ces ouvriers s’étaient affiliés à un syndicat Est-ce vrai ? est-ce faux ? nous l’ignorons ; mais à ce fait, s’il existe, doivent certainement s’en être joints quelques autres pour amener M Rességuier à la détermination qu’il a prise. Il y a toujours un député en permanence à Carmaux, lorsqu’il n’y en a pas deux. Au moment en question, c’est M Baudin qui était de semaine : il représentait les électeurs du Cher, non pas à la Chambre, mais auprès des ouvriers carmausins. M Baudin s’est empressé d’envoyer à M. Jaurès un télégramme qui se terminait par ces mots « Convoquez les groupes socialistes et faites les démarches utiles. » Après s’être adjoint MM Viviani et Gérault-Richard M. Jaurès s’est transporté à la hâte chez M. le président du conseil et a eu avec lui une conversation dont on n’a pas tardé à constater les effets. Certes sa démarche a été utile ». Au reste quelques verriers de Carmaux s’étaient réunis en même temps, et avaient adressé aux chambres syndicales et aux groupes corporatifs de France un manifeste ou ils disaient « Si le gouvernement ne fait pas son devoir, les prolétaires n’accepteront pas ce nouveau défi sans protestation. La loi de 1884 doit être complétée par une sanction pénale qui contraindra les exploiteurs à la respecter. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Dès le lendemain à l’ouverture de la séance de la Chambre, M. le ministre du commerce a déposé un projet de loi ainsi conçu : « Ceux qui seront convaincus d’avoir entravé ou tenté d’entraver le libre exercice des droits résultant de la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels seront punis d’un emprisonnement de six jours à un mois, et d’une amende de seize à deux cents francs, ou de l’une de ces deux peines seulement. » L’idée de donner une sanction pénale à la loi sur les syndicats professionnels n’est pas nouvelle.