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avancé à la légère, qu’il avait consulté tous les documens, et qu’il les avait bien entendus.

De là une double tâche qu’il entreprit. D’une part, il écrivit une série de mémoires sur quelques-uns des problèmes les plus ardus du haut moyen âge, comme le colonat, la propriété des terres en Germanie, la marche, la justice mérovingienne, les titres romains des rois francs, la loi des Chamaves, le titre de migrantibus de la loi Salique, l’immunité, la confection des lois sous les Carolingiens, le capitulaire de Kiersy-sur-Oise. Il définit lui-même en ces termes le caractère de ces monographies : « Je demande qu’on me permette de les donner sous la forme première qu’ont tous mes travaux, c’est-à-dire sous la forme de questions que je m’efforce d’éclaircir… Je mettrai tous les documens sous les yeux du lecteur ; je le ferai passer par mes investigations, mes hésitations, mes doutes. Je le conduirai par la même route que j’ai suivie. Je lui signalerai aussi les opinions adverses et je lui dirai pour quels motifs je ne m’y range pas. Je lui montrerai enfin mon travail, tel qu’il s’est fait, presque jour par jour, et je lui fournirai en même temps les moyens de discuter mon sentiment. » C’était là pour lui à la fois une leçon de méthode et une justification personnelle. En second lieu, il se décida à remanier de fond en comble le volume dont on avait affecté d’être tant scandalisé. Six cents pages lui avaient suffi primitivement pour toute la période comprise entre l’année 60 av. J. -C. et l’année 650 de notre ère ; dans le troisième, il lui en fallut deux mille, distribuées en quatre volumes[1]. Les parties qu’il y développa le plus furent celles qui concernaient la monarchie franque et l’alleu, puisqu’elles montèrent de cent huit pages à onze cents ; mais toutes furent revues avec un soin méticuleux. Si quelques chapitres restèrent intacts, la plupart devinrent méconnaissables, et il en est qui acquirent une étendue triple ou quadruple. D’autres changemens furent encore introduits. De distance en distance, M. Fustel donna la liste des sources que l’on a sur chaque époque, en y joignant une appréciation sommaire de leur valeur historique. On lui avait reproché d’ignorer les ouvrages de seconde main ; il cita les principaux d’entre eux, non pour faire un vain étalage de bibliographie, mais pour réfuter quelque erreur de Guérard, de Pardessus, de Waitz, de Sohm, de Roth, ou pour leur attribuer le mérite de quelque découverte[2]. Il multiplia les notes et y

  1. Ajoutez, que les pages de la 1re édition contiennent en moyenne 1 300 lettres, et celles de la 3e, 1 450.
  2. L’éditeur des œuvres posthumes de M. Fustel de Coulanges, M. Jullian, dit qu’il y a dans ses papiers « une importante liasse relative aux écrivains qui ont traité du système féodal ; il se proposait de les passer en revue dans une longue préface ; il n'avait négligé ni les plus obscurs ni les moins savans, et il commençait à Grégoire de Tours pour finir à M. Léopold Delisle. »