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phénomènes historiques, et que, par amour de la clarté, il les ait trop simplifiés. Cette critique est juste pour la Cité antique ; mais elle tombe à faux, si on l’adresse aux Institutions de la France. Etait-il un « simpliste », l’homme qui dans la préface du volume sur l’Allen traçait le programme que voici au futur historien de la société présente ? « Il devra étudier beaucoup d’autres choses que notre propriété rurale. Il devra se rendre compte de ce qu’était chez nous une usine et de la population qui y travaillait. Il s’efforcera de comprendre notre Bourse, nos compagnies financières, notre journalisme et tous ses dessous. Il lui faudra suivre l’histoire de l’argent autant que celle de la terre, celle des machines autant que celle des hommes. L’histoire de la science et de toutes les professions qui s’y rattachent aura pour lui une importance considérable. Nos opinions et nos agitations d’esprit auront pour lui une grande valeur. Pour comprendre nos mouvemens politiques, il n’aura pas à s’occuper seulement de la classe qui possède le sol ; il faudra qu’il envisage les deux classes qui ne possèdent pas, l’une qui est la catégorie des professions dites libérales, l’autre qui est la classe ouvrière, et il cherchera à mesurer l’influence de l’une et de l’autre sur les affaires publiques. » La tâche du médiéviste est beaucoup moins vaste ; elle ne laisse pas pourtant d’être compliquée, et M. Fustel ne songe guère à la restreindre, puisqu’il lui recommande « d’observer attentivement tous les faits, toutes les institutions, toutes les règles de droit public ou privé, toutes les habitudes de la vie domestique. » Or il est hors de doute qu’en ce qui le concerne, il n’a point manqué à ce devoir, et que nul n’a traité le même sujet avec plus d’ampleur, du moins si l’on envisage la troisième édition, et non pas la première qui était un peu trop sommaire. Chacun de ces volumes, pris isolément, est incomplet, et par suite inexact, parce que l’auteur, procédant d’une façon analytique, n’y expose qu’un certain ordre de faits. Mais il suffit de les rapprocher et de les comparer entre eux pour voir qu’ils se complètent et se rectifient mutuellement. S’ils avaient paru tous ensemble, au lieu de paraître à de longs intervalles, ils auraient peut-être produit une meilleure impression et entraîné davantage la conviction.

J’admire l’obstination que l’on met à reléguer M. Fustel de Coulanges dans le camp des romanistes. Il a eu beau repousser cette qualification ; l’opinion des critiques est faite depuis longtemps sur lui, et ils n’en veulent point démordre. En vain répète-t-il que la féodalité ne découle pas d’une source unique, qu’elle n’est venue exclusivement ni de l’ancienne Rome ni de la Germanie, que les romanistes et les germanistes ont également tort. Ces paroles, qui dans toute autre bouche auraient du poids, n’en ont aucun