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s’agitait devant le public, de non moins puissans encouragemens l’y poussaient également. L’Italie avait des champions d’une haute autorité dans la presse libérale modérée : la Revue des Deux Mondes, par la plume de M. Charles de Mazade, le Journal des Débats, par celle de M. John Lemoinne, faisaient ouvertement campagne pour les agrandissemens piémontais ; les organes d’une opinion plus avancée accentuaient cette campagne avec passion, sous la signature de leurs écrivains les plus autorisés : M. Adolphe Guéroult de l’Opinion nationale, M. Louis Havin du Siècle, M. Emile de Girardin de la Presse et d’autres encore qu’il serait trop long de nommer ici.


IV. — DISPOSITIONS CONTRAIRES DU PARTI CATHOLIQUE ET DES ANCIENS PARTIS POLITIQUES

D’un autre côté, les membres les plus éminens du parti catholique et des anciens partis politiques faisaient une campagne non moins persévérante pour arrêter l’empereur dans une voie qu’ils jugeaient funeste aux intérêts de la religion comme à ceux de la France.

J’ai eu sous les yeux une lettre autographe de M. Thiers adressée à S. A. la princesse Julie Bonaparte, marquise de Roccagiovine, qui a bien voulu m’autorisera en prendre copie. C’est un document qui prouve comment on s’efforçait de faire parvenir à l’empereur d’autres impressions que celles à l’influence desquelles il faisait mine de s’abandonner. On peut en juger par l’extrait suivant : « Les événemens, — écrivait l’illustre homme d’Etat que la restauration de l’empire avait rejeté à l’arrière-plan de la politique, — sont, en effet, fort graves. Quoi qu’on en dise, l’Italie est notre ennemie, et nous ferons de la mauvaise besogne en contribuant à ce qu’on appelle son unité. La maison de Savoie nous a trahis dans tous les temps, et, forte, elle fera tout ce qu’elle a fait en étant faible. Elle ne sera pas sans doute autrichienne de longtemps, mais elle sera anglaise, et cela suffit. L’affaire du pape s’aggravera davantage, et, croyez-le, l’Europe est une mine qui se charge de jour en jour. Si vous entendiez la diplomatie étrangère, qui est gênée avec vous et les gens du gouvernement, vous verriez que l’instinct de la conservation est cruellement alarmé chez toutes les puissances. Ce sentiment est beaucoup plus dangereux que le goût de nous faire des niches qu’on avait et qu’on satisfaisait sous Louis-Philippe. Les gens effrayés sont plus dangereux que les espiègles, parce qu’ils sont plus sérieux et que l’effroi finit par produire le courage, quoiqu’il commence par la