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elle réclamait Nice « comme terre française, comme complément de son système de défense des Alpes ». L’auteur de l’article ajoute qu’en supposant que la France eût consenti à négocier sur la base indiquée par M. Rattazzi, celui-ci se serait trouvé fort embarrassé : « Il ne se sentait pas assez fort à l’intérieur pour faire accepter la cession de Nice ; il ne se sentait pas assez fort à l’extérieur pour réaliser l’annexion de la Toscane. Qu’en serait-il advenu ? Que le ministère Rattazzi aurait cédé la Savoie pour unir seulement Parme, Modène et peut-être les Romagnes aux autres provinces de l’État ; mais qu’il aurait sacrifié la Toscane, et, avec la Toscane, l’avenir de la nation. » On le voit, l’annexion de la Toscane devenait le pivot du mouvement unitaire prêt à se produire ; mais cette annexion de la Toscane au royaume de la haute Italie était inévitablement liée à l’annexion de Nice à la France. Ainsi se trouve bien établi le lien mystérieux qui unissait la question de Nice à celle de l’unité italienne.

La polémique m ; s’arrêta pas là. La Monarchia nazionale répliqua. Elle reconnaissait l’importance de l’appui de la France pour réaliser l’annexion de la Toscane, « prélude de l’unification complète de l’Italie » ; mais elle persistait à affirmer qu’un négociateur plus habile et plus indépendant que M. de Cavour vis-à-vis de Napoléon III aurait pu et dû arriver à obtenir, sans le sacrifice de Nice, que l’annexion de la Toscane fût appuyée par la France, dont M. Rattazzi « comprenait autant que tout autre combien le bon accord et l’alliance étaient nécessaires et avantageux dans les conditions où se trouvait son pays. »

L’Opinione termina la discussion par une réponse absolument topique. M. Rattazzi, disait-elle, reconnaît que si la France avait réalisé son programme de l’Italie libre des Alpes à l’Adriatique — c’est-à-dire si elle avait pu donner au Piémont la Vénétie en même temps que la Lombardie — on ne pourrait rien objecter à sa prétention d’obtenir pour elle-même les compensations territoriales qu’elle réclame. Or, il est évident que s’il était naturel de céder la Savoie et Nice pour la Lombardie et la Vénétie seulement, à plus forte raison ce devait l’être pour « unir toute l’Italie ». Ce qui distingue la politique du comte de Cavour de celle de M. Rattazzi, c’est d’avoir compris toute l’importance de l’annexion de la Toscane, d’avoir compris « que cet événement politique était décisif pour l’Italie ; que ses conséquences étaient incomparablement plus notables et plus puissantes que celles de l’acquisition de la Vénétie, parce que, avec la Vénétie, le résultat n’eût été que l’institution d’un, royaume septentrional’, tandis qu’avec la Toscane, on devait constituer le royaume d’Italie, auquel la